Dimanche de Pâques

Homélie du Père André Merville

 

(Homélie Père André Merville_20140420.mp3)

 

 

Frères et sœurs, l’Évangile d'aujourd'hui nous révèle que Pâques c'est d'abord un événement et une rencontre. D'abord un événement : un événement à l'initiative de Dieu. C'est Dieu qui choisit de se révéler à nous par Jésus. Et c'est Jésus qui donne son consentement au Père pour venir à notre rencontre. Pâques est donc avant tout un événement de l'ordre d'une rencontre. Une rencontre à l'initiative de Dieu, où l'on se rend bien compte que cette initiative nous amène à vivre un événement d’ordre à la fois personnel et intime, c’est ce que nous allons découvrir à travers ce récit que nous venons d'entendre.

 

Ce matin de Pâques, rien ne laisse pressentir que quelque chose d'important va se passer. La ville de Jérusalem semblent encore endormie, sous le choc de ce qui vient de se passer : tous ceux qui avaient espéré que Dieu allait se révéler d'une manière triomphale au moment de la condamnation de Jésus sont complètement déçus, découragés, désespérés. Et voilà qu'une femme, Marie Madeleine, habitée malgré tout par un grand désir de retrouver Jésus, se rend au tombeau et découvre que la pierre a été roulée. Affolement. Elle court chercher les disciples, en leur criant: « On a volé le corps de Jésus ! ». Affolement. On nous dit que les disciples se mettent à courir pour se rendre au tombeau. On sait, dans l’Écriture, que courir indique souvent un mouvement du cœur, un élan, un désir profond. On devine donc qu'une rencontre avec Dieu, avec le Christ, est toujours précédée par l'action de Esprit Saint qui met en nous un profond désir d'aller à la rencontre d’un événement qui nous précède. Pressentiment en quelque sorte que quelqu’un nous attend et que quelque chose de beau va se passer. En ont-ils vraiment le pressentiment, ces apôtres et Marie-Madeleine ? Très certainement, mais avec en même temps une sorte d'impatience mêlée d’inquiétude. Lorsqu'ils arrivent au tombeau, on nous dit que l'apôtre Jean arrivé le premier n'entre pas : il attend l'apôtre Pierre : était-il moins pressé d'arriver au tombeau ? Ce que l’on sait, nous le tenons de Jean : lorsque qu’il est entré dans le tombeau, il nous dit simplement ceci : « J'ai vu et j'ai cru ». Qu'est-ce qu'il a vu ? des bandelettes dessinant la forme d’un corps, affaissées, pas du tout emmêlé. Il a vu aussi le linge qui entourait la tête, bien à sa place, c’est-à-dire gardant la forme du visage. Et Jean nous dit que lorsqu'il voit cela, il croit. Ce qu’il a vu, c’est donc le signe dont il avait besoin pour croire à ce qu’il pressentait, croire que Jésus n'avait jamais cessé d'être vivant et que sa mort n'était qu’un passage pour entrer dans la Gloire ; et c'est à ce moment là que Jean, vous le devinez, va vivre l’événement d'une rencontre : il va parler au Christ, pour la première fois, sous la forme d’une prière : « Jésus tu es là présent, je le crois ! ». C'est cela, Pâques, pour l 'apôtre Jean. Non pas un événement sensationnel, mais quelque chose de très profond et de très intime : « Jésus, mon Seigneur, je suis sûr que tu es là, maintenant, avec moi, puisque tu me donnes un signe pour le croire ! ».

 

Nous avons tous besoin de signes. Quand je rencontre des personnes qui ont vécu le deuil d'un proche, d’un conjoint, d’un enfant ou d’un parent, il survient toujours un moment où celui qui a connu le déchirement du deuil et qui a douloureusement ressenti l’absence et le vide, reçoit un signe : celui ou celle qu’il aime est là, tout près de lui. Ce signe est souvent difficile à partager d’ailleurs, car il n’est reconnaissable qu’au cœur d’une histoire personnelle. On peut ressentir l’effet d’un parfum, d’une douce lumière, d’un toucher ou comme l’effleurement d’une caresse. Comme prêtre, j'ai très souvent été témoin de ce genre de récit. C'est exactement ce qui se passe pour l'apôtre Jean : il a reçu son signe, mais ici, le signe est destiné à nous parler à chacun : à travers le récit de Jean, Jésus veut dire à chacun de nous : « Je suis revenu vers toi ! ». Et voilà ce qui importe pour nous, frères et sœurs, ce matin de la Résurrection : croire que le Christ nous donne rendez-vous au plus intime de notre histoire.

 

Tel est le point sur lequel nous sommes invités à revenir et à méditer aujourd'hui : le Christ ne veut pas nous rencontrer et nous rejoindre de manière neutre et impersonnelle. Pour Lui, venir à notre rencontre, c’est venir revisiter avec chacun de nous, l’histoire qu’il a commencée avec nous, depuis nos origines, comme il le fera avec les pèlerins d’Emmaüs le soir de Pâques ; nous serons alors amenés à découvrir toutes les circonstances à travers lesquelles le Seigneur est venu nous faire signe pour nous appeler à monter jusqu’à la rencontre avec le Père.

 

C'est vraiment cela que nous sommes appelés à vivre durant tout ce temps pascal : comment aujourd'hui, en ce mois d'avril, le Christ vient-il me révéler sa présence à travers des signes concrets déposés dans ma vie de tous les jours ? En dehors de ce questionnement sur les signes de la présence de Dieu dans notre vie, il ne peut pas y avoir d’événement pascal. Commençons simplement par ce moment que nous vivons : la liturgie qui nous rassemble, la joie de nous retrouver fraternellement et notre unanimité dans la louange ne sont-ils pas déjà les premiers signes de sa présence ?

 

Nous ne pouvons conclure cette méditation sans une dernière remarque importante. Pour continuer le chemin sur lequel le Christ ressuscité ne cesse de se manifester, un signe particulier reste à accueillir, signalé par St Paul dans la seconde lecture. Il nous dit qu'il faut rechercher les réalités d'en haut. Mais ce qui est paradoxal, c'est que lorsqu’il nous parle de ces réalités d'en haut, il nous les présente sous la forme d’un ensevelissement: « si vous voulez vivre les réalités d'en haut » précise-t-il « laissez-vous ensevelir ! ». Faudrait-il que nous prenions la place du Christ dans son tombeau ? cela semble très curieux, à première vue. En fait, il nous fait signe sous la forme d’une image : se laisser ensevelir ici-bas, cela veut dire vivre comme si nous étions constamment sous le regard du Père, sans nous occuper de toutes ces choses qui agitent le monde et qui aux yeux de Dieu ne sont pas essentielles. Vivre une vie cachée sous le regard de Dieu sans nous préoccuper d’autre chose, voilà comment trouver dès à présent la joie du ciel.

 

Je vous souhaite, frères et sœurs, de découvrir cette joie et cette paix, par une communion plus intime, cette semaine, avec le Christ vivant, sous le regard du Père, dans la joie de l'Esprit Saint. Amen

 

Le 20 avril 2014

Père André Merville

 

 

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Mercredi 23 avril 2014 • 1154 visites

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