Les pratiques rituelles qui font l’objet du litige entre Jésus et les pharisiens, sont issues de la « tradition des anciens », c’est-à-dire de l’interprétation orale de la Torah ayant acquis une valeur normative. Cette tradition s'incarne par exemple dans la vie quotidienne, en des gestes symboliques de mise à distance et de purification par rapport à toute personne étrangère au peuple élu. Sous couvert de religiosité, ces pratiques relevent du souci de sauvegarder une identité au milieu des impies.
Jésus dénonce l’ambiguïté d’une telle attitude : les doctrines enseignées par les pharisiens « ne sont que des préceptes humains ». Les rituels « religieux » devraient avoir pour but de « relier » à Dieu ceux qui les accomplissent pieusement, or tel n’est pas le cas de ces pratiques qui tracent la frontière entre le juif pieux et l'indigne de paraitre devant Dieu. Notre-Seigneur condamne l'hypocrisie de ces comportements, qui sacralisent une séparation entre les personnes alors que le Père a tout au contraire envoyé son Fils pour « rassembler ses enfants dispersés » (Jn 11, 52). Jésus s’adresse directement à la foule bigarrée qui l’entoure, et au sein de laquelle les règles de pureté ne devaient pas être particulièrement observées. « Ecoutez-moi, prêtez attention à mes paroles et non aux vains discours ».
Seul le cœur peut être qualifié de pur ou d’impur. C'est seulement ce qui sort du cœur de l'homme, de notre for intérieur, qui peut être mauvais. C'est cette méchanceté qui corrompt l'humanité entière ainsi que nous-mêmes. Notre piété ne consiste pas juste à nous "laver les mains" comme Pilate, mais à garder notre cœur sans souillure. A quoi bon témoigner faussement des pratiques extérieures, si notre cœur est blessé, maculé par la violence des péchés ? Nous n’avons guère d’illusion à nous faire à propos des pensées perverses, de l'inconduite, le vol, le meurtre, l'adultère, la cupidité, la méchanceté, la fraude, la débauche, l'envie, la diffamation, l'orgueil.
Les rites n’ont de sens que dans la mesure où ils sont l’expression d’une sincère conversion intérieure. Car Dieu seul peut nous purifier d’une eau qui soit spirituellement « efficace » : l’eau jaillie du côté transpercé de son Christ. C’est à cette eau que pensait le prophète Ezechiel en disant : « Je verserai sur vous une eau pure, et de toutes vos souillures, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair » (Ez 36, 25-26).
La conclusion logique nous vient de saint Jacques : « Frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, descendent d’auprès du Père. Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité. Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Il ne s’agit donc pas d’en rester à de pieuses considérations : la Parole de Dieu « est capable de nous sauver » dans la mesure où nous la mettons en application.
Car après la purification dans les eaux de notre baptême, nous avons aussi été vivifiés par le Sang jailli de la même Source. Nous vivons désormais de la vie de l’Esprit, c'est-à-dire de la vie du Christ ressuscité. Dès lors, ce sont nos œuvres de charité qui « prouvent » l’authenticité de notre conversion et qui plaident pour nous. Car poursuit St Jacques « devant Dieu, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur, et de se garder propre au milieu du monde ».
C’est donc à un sérieux examen de conscience que l’Eglise nous invite sur la nature des pensées. Sont-elles simplement « idéologiques », sans changer vraiment nos comportements, ou bien de charité active, qui donne vie ?
Les textes de la liturgie de ce jour viennent à point nommé en ce temps de reprise : puissent-ils nous aider à nous recentrer sur la finalité de nos engagements telle que nous la révèle « la Parole de Dieu semée en nous »