En ces jours, ils n'étaient pas les seuls sur la route de Bethléem. Quand ils arrivèrent à l'unique auberge, il y avait grand bruit. On entendait les récriminations des mécontents, tout autant que les cris de joie des amis qui se retrouvaient (dans la contrainte et aussi grâce aux exigences dues au recensement décidé par les romains). Cette future maman qui arrivait de Nazareth était fatiguée. Ce n'était pas sa place d'être au milieu de ce tohu bohu. L'aubergiste l'installa dans le calme et la chaleur de l'étable. Un petit cri se fit entendre. Joseph et Marie caressèrent le nouveau-né en l'appelant : "Jésus ! " Ils savaient tous deux que c'était la Parole de Dieu qui entrait en notre monde. Ils éprouvèrent une joie angélique, celle là même qui atteignit le coeur des bergers. Marie couvrit avec tendresse l'enfant fragile qui était dans ses bras, comme quelques mois auparavant la puissance de Dieu l'avait couverte de son ombre. Dès lors avec Joseph, ils accompagnèrent la présence de Dieu parmi les hommes.
« Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous. » dira la messe du jour avec saint Jean. Arrêtons-nous à ces mots. En regardant l'enfant de Bethléem, il nous est donné de voir bien plus que seulement un petit d'homme. Cet enfant qui repose sur la paille, comme offert pour notre faim, c'est le propre Fils de Dieu manifesté en notre chair. Nous ne sommes pas dans un conte de fées. Nous contemplons ici, le mystère de l'Incarnation, tout entier tissé d'humilité et de gloire, de petitesse et de grandeur. Les apparences ne sont pas trompeuses en ceci que le Verbe éternel prend, à son compte et sans tricher, l'humanité telle qu'elle est. Il le fait au point de ne pas renier ce trait de notre humaine fragilité, qu'est la mort. Lorsqu'il vient remplir la vie de sa présence, le Verbe ne fait pas voler en éclats notre humanité. Il vient y faire sa demeure, en la respectant jusqu'à nos libertés, nos doutes, nos fragilités. Il le fait pour que nous aussi sachions habiter ce corps mortel qui est le nôtre, cette condition mortelle qui est la nôtre, afin que nous puissions être comme des êtres qui ont leurs racines dans le cœur de Dieu, dans l'éternité. Il ne s'agit d'une éternité abstraite, lisse et dénuée d'identité. C'est une éternité que l'on peut traduire comme plénitude de vie, plénitude d'amour et de réalisation, pour ce monde toujours en mouvement, qui nous parait insaisissable, incontrôlable, voir irraisonnable ou détestable. Peut-être comme moi avez vous éprouvé un malaise au cours de l'année écoulée devant l'affligeante réalité des migrants de Calais, ceux de la méditérannée... et puis ce furent les attentats, que faire ? Avoir peur, se replier, se révolter… Aider ! C'est cet aspect de notre réalité, de nos incapacités, que Jésus vient visiter ; tout autant que maints autres drames de notre quotidien, de nos propres vies, qu'il vient assumer. Oui ! Le Verbe vient habiter notre humanité aux prises avec le mal et le péché pour la réorienter sans la forcer. On appelle cela le Salut, et ce n'est pas une guérison partielle ! C'est plutôt la ressaisie de notre être profond, sa réorientation vers la source d'où jaillit sa vraie vie, son retour dans l’alliance amoureuse avec Dieu, son rapatriement en terre promise, sa rentrée à la maison paternelle.
Avec les évangélistes, contemplons l'enfant de Bethléem et laissons-nous émerveiller par ce que DIEU fait pour nous, par Dieu qui se fait l'un de nous. C'est si vrai, qu'on ne le distinguerait pas de notre voisin ! Mais en regardant l'enfant, en nous laissant saisir par sa ressemblance avec nous, mettons-nous en chemin, en recherche, pour à notre tour, trouver la ressemblance avec lui. Chacun, nous avons à le découvrir dans notre conjoint, notre enfant, notre voisin et même dans cet étranger à notre histoire personnelle, à notre identité culturelle... Il nous faut rester vigilant à l'image de DIEU, qui s'il met de la distinction ou de la diversité, ne le fait pas pour diviser ; cela n'est fait que pour dire la richesse de son amour, qui sans cesse se multiplie. Jésus le fait aujourd'hui pour nous rassembler et nous réconcilier, chacun avec nous même et entre nous tous, comme avec la vie. Cette vie qu'on a parfois tant de mal à accepter. En cette année proclamée de miséricorde, osons franchir les portes de la vie comme nous y appelle le Pape François. Que l'eucharistie (l'action de grâce), nous comble de la paix, et nous transforme en sources vives de paix, de bonheur, pour tous ceux qui nous entourent. Amen
Père Bernard Descarpentries