Conférence du Père B. DESCARPENTRIES

Douai, le 28 mai 2012

 

Très chers amis,

Frères et sœurs qui aimez prier Marie et qui êtes venus en ce lundi de Pentecôte à l’invitation des Equipes du Rosaire. J’exprime mes remerciements à Mgr Gérard COLICHE de se joindre à nous, au Père JEGOU aumônier national et à madame Anne-Marie NAS d’avoir pensé à notre ville pour ce rassemblement, à l’équipe régionale et aux paroissiens (de l’Equipe d’animation paroissiale, du conseil paroissial, du comité de la Collégiale et des équipes) qui ce sont plus particulièrement investis dans la préparation de ce temps fort.

Icône de Cambrai Notre-Dame de Grâce  
Icône de Cambrai
Icône de Cambrai

J’aimerai traiter avec vous ce matin de l’émergence du Rosaire à la suite du bienheureux Alain de la Roche, et de l’originalité de cette prière pour l’Eglise.
Je le ferai en évoquant la création de la prière du « je vous salue Marie », puis de celle du chapelet et du Rosaire par Alain de la Roche, enfin de l’importance du rosaire pour la vie sacramentaire et eucharistique. Commençons sans plus tarder.

1) L’Ave Maria : de la salutation de l’Ange à la prière à MARIE


Dès la conception du Nouveau Testament, la salutation de l’ange GABRIEL à Marie, a participé du lien entre les fidèles et Dieu. Par son OUI, la Vierge Marie, nous a restitué à l’Alliance éternelle, permettant au salut de nous rejoindre en son Fils.
Cependant la prière de l’Eglise calquée sur celle de la synagogue, a d’abord été de proclamer la Sainte Ecriture et de célébrer l’action de DIEU dans les sacrements.
Comme nous en témoigne le texte de la « Didache » au II siècle, et jusqu’au XII siècle, on avait coutume de réciter le Pater lors des offices. La règle de St Benoit reprennant la tradition monastique établie depuis le IV siècle, prescrivait la récitation hebdomadaire du psautier, qui constitue la prière par excellence. St Jean CASSIEN (père avec St Martin du monachisme occidental) souligne : « Voici le modèle destiné à vous instruire, la formule de prière que vous cherchez. Tout moine qui vise à se souvenir continuellement de DIEU, doit s’accoutumer à méditer sans cesse, et pour cela chasser toute autre pensée ; car il pourra s’y tenir que s’il s’affranchit entièrement des soucis et sollicitudes corporelles… Pensez donc de vous tenir toujours dans la pensée de DIEU, et continuellement proposez-vous cette prière : ‘ Dieu vient à mon aide ; Seigneur vient vite à mon secours ! ‘ Ps 69,2. Ce n’est pas sans raison que ce court verset a été choisi dans tout le corps des écritures pour ouvrir le Saint Office de la prière. Il exprime tous les sentiments dont la nature humaine est susceptible ; et l’adapte heureusement à tous les états qui conviennent en toutes sortes de tentations ».
Ainsi donc la prière n’est rien d’autre qu’un condensé des versets bibliques tels ceux prononcés par l’aveugle né ou le publicain : « Seigneur JESUS, Fils de DIEU vivant, aie pitié de moi pécheur ! » La philocalie témoigne en faveur de cette prière simple, qui recourt à l’amour miséricordieux. Ainsi donc toute la vie doit être mouvement de prière incessante selon le commandement tiré de l’évangile de St Luc 18,1 « Priez sans cesse, en toute chose rendez grâce à DIEU ! ».
Dans ce cadre pourtant, et même si la Vierge Marie a une grande place depuis le concile d’Ephèse en 431 où elle fut proclamée « Mère de DIEU » ; la dévotion mariale ne se développe que peu à peu (tout comme le culte des Saints qui est reconnu au deuxième concile de Nicée en 787 qui clôt la querelle des représentations iconologiques)
Dans les Constitutions Dominicaines de 1228, on voit que les Frères Prêcheurs disaient Pater et Credo avant Matines, pas encore l’Ave Maria. Evidemment les prêtres connaissaient la salutation angélique qu'ils lisaient dans la Sainte Ecriture. Mais ils ne s'en servaient pas comme d'une prière habituelle, et surtout pas dans la forme actuelle de la prière du « Je vous salue Marie ».
Non seulement les prêtres ne récitaient pas la salutation angélique comme une prière, mais ils ne l'enseignaient pas non plus aux fidèles. C'est en 1198 que, pour la première fois, on voit mentionner l’Ave, dans une ordonnance synodale d'Eudes de SULLY (évêque de Paris). En 1273, l’évêque de Valence ordonne à ses prêtres de faire leur possible pour apprendre le Pater et le Credo à ceux qui les ignorent, mais il n’est toujours pas question des paroles de l'ange (de même dans les instructions du synode d'Utrecht en 1294).
Excepté le moine St Aybert, pas un saint ou une sainte de ce temps ne récitait l’Ave ; autant qu'on peut le savoir par leurs biographies. Qu'on lise la vie des saints dévots de Marie au XI et XII siècles (Bruno, Norbert, Bernard, Anselme, Thomas de Cantorbéry, Pierre de Tarentaise, Hildegarde, Hugues) nulle part il n'est question de l’Ave. On récitait plusieurs autres prières mariales, comme l’hymne Acathiste (daté du IX siècle), le Salve Regina, l’Alma Redemptoris, l’Ave Maris Stella ; mais pas l'Ave.
Saint Pierre Damien, auteur d'une belle poésie sur l’Ave, ne le connaissait pas non plus comme prière, car il écrit : Si vous êtes tout à fait illettré, vous pourrez faire ce que vous désirez avec la seule oraison dominicale (le Notre Père).
Si donc l'Eglise n'utilisait pas encore l’Ave, si les prêtres ne le récitaient pas à l'Office, s'ils ne l'enseignaient pas aux fidèles, si les religieux eux-mêmes ne l'avaient pas mis dans leurs règles ou leurs observances, si les saints de ce temps ne s'en servaient pas, comment la prière à Marie a-t- elle put devenir d'un usage général ?

Si une tradition séculaire attribue le rosaire à Saint Dominique sous l'inspiration de la vierge Marie, on peut constater qu’à son époque le « je vous salue Marie » commence seulement de se former par la conjonction de plusieurs prières. Au XII siècle à PONTIGNY on avait composé le « Psautier de Marie » 150 strophes rimées (de 4 vers), célébrants les vertus de la Vierge suivant l’ordre chronologique de sa vie et conclues par une doxologie. Certains pensent que le chiffre de 150 «Ave» prononcés jusqu’il y a peu pour dire un rosaire tenait au fait que beaucoup de moines illettrées ne pouvaient réciter les 150 psaumes bibliques pendant l'Office choral. Aussi leur aurait-on enjoint de réciter autant de «Notre Père» à la place. La recherche historique ne semble pas authentifier l’assertion des «Patenôtres» prière des illettrés, chaîne de «Notre Père», qui aurait inspirés une pratique identique avec des «Ave».
Notre-Dame du Mont Carmel - Pietro Novelli Remise du scapulaire  
Notre-Dame du Mont Carmel - Pietro Novelli
Notre-Dame du Mont Carmel - Pietro Novelli
Le fait de s’adresser à la vierge Marie sous forme de prière (selon les paroles de l'ange qui se trouvent en l'évangile de Saint Luc) commence dès le XI siècle, comme en témoigne l’habitude de Saint Pierre Damien. On trouve le premier exemple d’union des paroles de Ste Elisabeth «Bénis soit le fruit de tes entrailles !» à celles de l’Ange «Je vous salue Marie comblée de grâce, le Seigneur est avec Toi !» ; chez Baudouin de Cantorbéry, archevêque de la fin du XII siècle. Il dit dans un commentaire de l’Ave, avant celui de saint Thomas d'Aquin : « A cette salutation de l'ange par laquelle nous honorons chaque jour la très heureuse Vierge, nous ajoutons : « Et béni le fruit de vos entrailles ». Sa remarque laisse entendre que c'était une innovation, autrement pourquoi en eut-il parlé ?
La grande peste de 1348 qui tua la moitié des européens, poussa le questionnement sur le salut individuel et la place de la communion des saints. C’est dans ce contexte que la prière mariale trouve sa forme actuelle, par l’ajout de « l’heure de notre mort » pour ne pas être emporté par la Mal Mort (c’est-à-dire de mourir sans être préparé sacramentellement à rencontrer DIEU, car tous nous savons devoir affronter la Mort). C’est alors que Ste Gertrude ajoute le nom de Jésus. St Simon STOCK (promoteur du scapulaire de la Vierge), ajoutera quant à lui la prière du pénitent "Prie pour nous pêcheurs !".

2) La prière du ROSAIRE et Alain de la Roche


La Madone du Rosaire - Le Caravage Remise du Rosaire  
La Madone du Rosaire - Le Caravage
La Madone du Rosaire - Le Caravage
L’émergence de la conscience individuelle au sein de villes dans les écoles et couvents tenus par les frères dominicains et franciscains, permit la « devotio moderna » (la prière privée) ; jusqu’alors on priait au cours de liturgie au sein du peuple de DIEU ‘la prière familiale du soir en est une survivance ; même au privé, on prie ensemble) et pas dans un vis-à-vis uniquement individuel «Moi - Dieu». C’est d’ailleurs à cette époque qu’apparaissent les livres d’heures enluminés pour des particuliers (princes ou bourgeois fortunés), qui font suite aux livres liturgiques enluminés pour les communautés. C’est aussi à cette époque que naissent les confréries, telle celle des «charitables» qui aujourd’hui encore à Béthune assure les funérailles de tout habitant.
C’est dans ce contexte que le dominicain Alain de la Roche crée une confrérie mariale et structure le rosaire comme prière propre aux dévots de la confrérie. Certes il enseignait comme vérités historiques des faits et dont il avait connaissance par révélation personnelle. Il est donc permis de ne pas prendre à la lettre ce qu'il attribue à Saint-Dominique (et qui lui est connu par mode de monition intérieure, mais pas par l’usage ou la mémoire communautaire de l’ordre). Sans doute confond-il le fondateur des Dominicains avec Dominique Hélion, que je vais évoquer dans quelques secondes.
On pense qu’Alain de la Roche serai né à Sizun, en Bretagne. Après avoir pris l'habit des dominicains à Dinan dans le diocèse de Saint-Malo, il se rend à Paris, puis en Flandre. Il séjourne à Douai, à Lille, à Gand et à Rostock, ville vers laquelle il retournait quand il mourut le 7 septembre 1475 à ZWOLLE après le chapitre à Lille de la congrégation de Hollande dont il dépendait.

Alain n'a pas tiré sa pratique d'un coup de baguette magique ; elle est le fruit d'une lente élaboration dont je souligne les protagonistes : le chartreux, Henri EGHER a élaboré une méthode de prière avec Pater et Ave, à l’image des 150 strophes du «Psautier de la Vierge ». Peu après en 1409, Dominique Hélion (de Prusse), un de ses novices de la chartreuse de saint Alban près de Trèves, introduisit des clausules, c'est-à-dire une phrase de méditation évangélique, à la fin de chaque Ave : «je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous et Jésus le fruit de vos entrailles qui … est béni ». Les clausules constituent des tableaux de la vie de Jésus et de sa mère, y compris les principaux faits du ministère public de Jésus.

Vint ensuite Alain de la Roche, dominicain (1428-1475). Il avait traversé une grave crise spirituelle entre 1457 et 1464. C’est en 1464, que la Vierge lui demanda de répandre la prière qui s'inspire de la pratique de Dominique de Prusse. Alain de la Roche ajoute 15 méditations spirituelles, qui correspondant aux 15 mystères du Rosaire. Les fraternités du «psautier de Jésus et Marie » plus tard appelées du « Rosaire » naissent le 15 mai 1470 à Douai, où il a vécu de 1464 à 1468 avant de rejoindre le couvent de Lille. Alain de la Roche avec l’approbation du frère Jean UYTTENHOVE (Delacour) vicaire provincial y fonde la première confraternité du psautier de la Vierge Marie. L'entrée dans la fraternité était gratuite et les membres mettaient en commun les mérites et les fruits de leur vie spirituelle, et ils s'engageaient à la récitation quotidienne du «rosaire», sans cependant que ce soit un péché que d'y manquer. Ils étaient inscrits sur un registre afin que tous se connaissent et fassent grandir entre eux tous un esprit de paix, de charité de bienveillance de miséricorde et de communion. Ils étaient invités à la pratique de la confession sacramentelle fréquente et à participer à une célébration eucharistique spéciale le jour de la fête de saint Dominique. On offrait aux petits enfants d'entrer dans la confraternité avec des prières adaptées à leur âge. Notons bien cela, car il nous faut oser, proposer le rosaire aux enfants. Voyez le jardin biblique qui orne le déambulatoire, qui a été conçu par des enfants de 7 à 11 ans qui savent par cœur le texte de l’épisode biblique qu’ils ont représentés sur l’icône peinte avec le soutien de Sœur Claire. A tous était recommandé de porter sur soi le chapelet, comme signe d'appartenance au Christ.

C’est à COLOGNE, le 8 septembre 1475, le lendemain même de la mort d’Alain de la ROCHE, que le prieur Jacques SPRENGER érigea la Fraternité du Rosaire approuvée par le légat pontifical MALATESTA le 10 mars 1476. L’imprimerie appuiera l’essor de cette nouvelle pratique. La seconde fraternité est érigée à LILLE le 30 novembre 1478.
Les confréries du Rosaire, nées dans les églises des Dominicains, s'établirent ensuite dans d'autres églises conventuelles ou en des églises paroissiales, sur autorisation du Prieur du couvent dominicain le plus proche.

Toujours est-il, qu’Alain su faire partager ses convictions à l'ordre dominicain, et que le Sixte IV approuve les confréries dès le 12 mai 1479 et le Pape PIE V promut la pratique et la fête du ROSAIRE après la bataille de LEPANTE le 7 octobre 1571 et officialisa les 15 mystères. Par la suite, les fidèles honorèrent la Vierge MARIE, au moyen de cette dévotion certes teintée d'affectivité, mais pleinement théologale. « Incarnation, salut et fin dernière » seront les trois séquences de chapelet, unies en rosaire, durant plus de 500 ans.

3) Le chapelet : méditation de l’Ecriture et vie sacramentelle


Le Chapelet est un objet formé d'une chaîne de grains destinés à la répétition d'une formule de piété. On le trouve aussi bien chez les chrétiens, les musulmans, que chez les bouddhistes…
Chez les catholiques, le ROSAIRE est une prière qui comporte désormais quatre chapelets. On le trouve sous la forme de cinq dizaines de petites grains séparées par un plus gros ; le tout introduit par une croix, un gros grain et trois petits. Sur la croix on récite le "je crois en Dieu", sur les gros grains le "notre père", sur les petits grains le "je vous salue Marie" ; à la fin de chaque dizaine ont dit "gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit… » Le rosaire ne se borne pas à la récitation de prières. C'est essentiellement une méditation des mystères de la vie de Jésus et de Marie.

Benoit XVI enseigne que « tout dans l’Eglise, chaque institution et ministère, y compris celui de Pierre et ses successeurs, est enveloppé par le manteau de la Vierge, dans l’espace rempli de grâce de son «oui» à la volonté de DIEU » (25 mars 2008). « Sans la contemplation, le rosaire est un corps sans âme et sa récitation court le danger de devenir une répétition mécanique » prévient Paul VI «Si l’Eucharistie est le centre de la journée pour le chrétien, le rosaire contribue de façon privilégiée à élargir la communion avec le Christ et enseigne à vivre en gardant le regard du cœur fixé sur Lui, pour faire rayonner sur tous et toute chose, son amour miséricordieux » (Benoit XVI 16 octobre 2005) En fait il s’agit d’atteindre les réalités divines cachées sous les apparences sensibles. « DIEU, invisible a voulu se rendre visible, il a voulu devenir objet de nos pensées. Comment cela ? Eh bien ! En gisant dans la crèche, en reposant sur le sein virginal, en prêchant sur la montagne, en passant la nuit à prier ; ou encore cloué sur la croix, livide dans la mort, libre parmi les morts et commandant aux enfers ; ressuscitant le troisième jour, montrant aux apôtres dans les marques des clous les signes de sa victoire ; et pour finir en montant en leur présence jusqu’au plus secret du ciel. Quel est de tous ces mystères, celui auquel on puisse penser sans vérité, sans humble empressement, sans se sanctifier ? » On ne peut donner les meilleures explications à la méditation du rosaire que ces paroles de saint Bernard.

Dans un rosaire, le premier chapelet a pour objet le mystère de l'incarnation. Pendant les cinq dizaines ont méditent l'annonciation de l'ange à Marie, la visitation de Marie à Élisabeth sa cousine, la naissance de Jésus, sa présentation au temple, et son recouvrement au temple parmi les docteurs de la loi à 12 ans. Un deuxième chapelet a pour objet de les étapes de la vie publique : le baptême de Jésus, les noces de cana, la transfiguration, la prédication du royaume et la mission confiée aux disciples, la Cène. Une troisième série de dizaines, invite à méditer les mystères du salut : l'agonie de Jésus à Gethsémani, sa flagellation, le couronnement d'épines, le portement de la croix, la crucifixion et la mort de Jésus. Le dernier chapelet a pour objet la participation à la gloire du Christ ; on y considère : la résurrection de Jésus, son ascension, la descente du Saint Esprit à la Pentecôte, l'Assomption de la vierge Marie, et son couronnement dans la gloire.
Les trois séries traditionnelles (mystères joyeux, douloureux, glorieux = naissance, mort, résurrection) reproduisent exactement la façon dont St PAUL concevait le mystère du Christ dans la célèbre hymne aux Philippiens : abaissement, mort, exaltation (Phil 2, 6-11). Le rosaire a le rythme de la proclamation de la foi, du Kérygme ; mais par l’adjonction des mystères lumineux, il trouve sa pleine dimension missionnaire.
Par la méditation de l'incarnation faisant entrevoir le mystère du salut (la rédemption), puis la dimension eschatologique et missionnaire ; le Rosaire nous ouvre à une dévotion mariale solidement fondée sur l'Évangile et profondément christologique. On saisit pourquoi les papes ont souligné le bienfait spirituel du rosaire, et que le mois du Rosaire est aussi le mois des « missions ». Jean-Paul II soulignait que le rosaire était un « moyen indispensable dans le bagage pastoral de tout bon évangélisateur. » (Rosarium Virginis Mariae). « A bien y se regarder, en effet, le chapelet est tout entier tissé d’éléments tirés de l’écriture », rappelle Benoît XVI. Il y a là, le mystère du Christ, puisé aux sources même de l’Évangile, et qui fait l’objet de la méditation du priant. Il y a aussi la récitation du « Pater », parole même du Seigneur, transcrite dans la Sainte écriture.
Ce qui est frappant dans toute la Bible, c'est le rappel constant des interventions de Dieu auprès de son peuple. Les psaumes des montées soulignent: « rendez grâce au seigneur, car il est bon, il a fait des merveilles et sa miséricorde et éternelle ! Il fit les cieux, éternel est son amour !..." Les psaumes (104-105, ou encore 112 à 117 et 135), nous invitent à l'action de grâce "parce que nous avons entendu et reconnu, et que nos pères nous ont raconté, ... sans le cacher aux âges qui viendront…les motifs de supplications et d'action de grâces » qui ne font pas que retracer une histoire ; « Vous observerez ces dispositions comme une loi perpétuelle pour vous et vos fils ». « Quand ils te demanderont : que signifie pour nous ce rite ? Vous le répondrez : c'est le sacrifice en l'honneur du seigneur, qui a passé devant les maisons de ses fils d'Israël, en Égypte lorsqu'il a frappé l'Égypte, tandis qu'il épargnait nos maisons » (Exode 12,24 à 27) ou encore Deutéronome 6,20 à 25 "lorsque demain ton fils te demandera qu'est-ce donc que ces instructions, ces lois que le seigneur notre Dieu nous a prescrite ? Tu diras à ton fils : nous étions esclaves de pharaon en Égypte, le seigneur nous a fait sortir par sa main puissante. Il a accompli sous nos yeux les signes et les prodiges,… Il nous a fait sortir de là pour nous conduire dans le pays promis à nos pères ; pour nous le donner» ; « Le seigneur a prescrit de mettre en pratique ces lois, d'être toujours heureux et de vivre, comme il nous l'a accordé jusqu'à présent. Tel est notre justice : garder et mettre intégralement en pratique tous les commandements devant le seigneur notre Dieu, comme il nous l'a prescrit ».

Encore aujourd'hui, les juifs et chrétiens participent à leur culte liturgique en considérant l'histoire non pas comme du passé révolu, mais comme actualisant le salut et l'action de Dieu, au moment présent et pour tous les temps.

Avec le Nouveau Testament, le thème central n'est plus seulement de témoigner des merveilles que Dieu a accomplies par la libération temporelle du peuple ; mais celui de la libération pour toute l'humanité et pour toujours, en Jésus-Christ. C’est ce que les hymnes du nouveau testament célèbrent et que les mystères du rosaire invitent à méditer. « Le Christ de conditions divines ne retint pas jalousement le rang qu'il égalait un Dieu mais il s’est anéanti lui-même, prenant la condition d'esclaves et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, en étant obéissant jusqu'à la mort et la mort sur la croix. Aussi Dieu l'a exalté lui donnant le nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu’au nom de Jésus, sur terre et dans les cieux, toute langue proclame : Jésus-Christ est seigneur à la gloire du père » (Philippiens 2, 6-11).

Il se trouve que nous avons dans la vierge Marie le modèle le plus parfait de cette contemplation, et une réponse humaine au don merveilleux et total de Dieu, en Jésus-Christ. Comme Marie nous avons à contempler et garder toutes choses, les méditant dans notre cœur. On peut dire qu’auprès de Jésus, Marie participe activement à notre rédemption par son « Fiat » (sans pour autant dire qu’elle est rédemptrice). En offrant le « oui » à l’Incarnation, Marie assume pleinement la participation restaurée de l’Humanité en DIEU. Elle nous porte dans la mort et la résurrection, parfaite image de l’Eglise (corps total) du Christ qu’elle mit au monde ; et qu’elle reçut depuis la croix « Femme voici ton Fils », « voici ta Mère » (Jean 19, 26-27). Marie est la fine pointe par laquelle le divin s’est offert à l’humain ; pour qu’en Christ, l’humain soit assumé dans le divin.
Icône russe Pentecôte  
Icône russe
Icône russe
Ces données de l'écriture, projettent les vives lueurs de la vie intérieure à l'école de Marie ; et manifestent le sentiment du croyant appelé à la suite du Christ (sequella Christi).
De même que l'examen des textes nous apprend avec certitude que l'oraison de la vierge Marie, durant les premières années du christianisme, a été totalement alimentée par le souvenir des mystères que nous appelons joyeux. De même nous pouvons assurer que la méditation du rosaire suit exactement cette méthode d'oraison de Marie. Ainsi avec la Vierge Marie, nous pouvons faire l'expérience de la présence du Christ depuis la vie terrestre jusqu'en la gloire. Gloire à laquelle il nous invite, pour devenir dès à présent en LUI, des fils et filles d'adoption. On comprend combien le rosaire, dans ses fondements bibliques et théologiques, est un immense bienfait car il souligne que nous ne faisons pas des œuvres devant DIEU ou pour DIEU, mais que c’est Lui qui est à l’œuvre. Hors cela, rien de vrai qui ne tienne.

4) Au cœur du Rosaire, la vie eucharistique


Au centre donc de toute cette prière avec MARIE, il y a le CHRIST, Homme et Dieu. Le Christ qui ouvre chacun au salut et accomplit toute la création.
Dans son exhortation « Marialis cultus » du 2 février 1974  Paul VI disait: « certains ont demandé que le rosaire soit déclaré prière liturgique. Il faut reconnaître que, sous divers aspects, il s’harmonise bien avec la liturgie. Toutefois il ne doit pas se confondre avec elle, ni s’y superposer comme c’est arrivé parfois dans le passé. Il doit au contraire conserver sa physionomie propre d’exercice de piété, apte à mieux faire comprendre et mieux vivre la liturgie. » « Le sort fait dans l’église au rosaire à quelque chose de surprenant qui hérite de réflexion. L’église le considère évidemment comme un bien propre qu’elle défend et préconise avec une inlassable ferveur. Le rosaire fait partie des dévotions à la Vierge, que l’église reconnaît parce qu’elle y retrouve sa pensée authentique. Le rosaire est considéré par l’église comme un trésor, à cause de l’amour que lui manifestent dans l’église les petits, et parce que comme le disait le cardinal H. Newman : « le grand pouvoir du rosaire consiste en ceci : d’un credo il a fait une prière. Car il donne cet avantage de parcourir le cercle entier des mystères qui en réalité ne sont qu’un dans la personne du Christ. ». « La recommandation de l’église va en ce sens que l’on ne surestimera jamais assez : le grand pouvoir d’avoir toujours, toute sa foi, dans sa main ».
Humble prière de demande, le rosaire est une conception spirituelle de la vie, prétention au pur amour. Certains pensent que la répétition n’est pas dans la ligne du conseil évangélique de Saint Mathieu (Mat 6,7) ; qu’ils réfléchissent donc à Jésus priant au jardin de l’Agonie (Luc 14,39) et à son amour (nourrit de l’amour maternel) afin que celui-ci les élève aussi sûrement que le désir d’une mère pour son enfant.

Le rosaire nous apprend à parler à Marie comme à notre Mère (elle l’est depuis que Jésus sur la croix nous a confié à elle) ; c’est-à-dire à lui ouvrir notre cœur dans l’humilité confiante à l’image de la sienne « qu’il soit fait selon ta Parole ». Alors par l’Esprit le Verbe se fait chair en notre chai. N’est-ce pas la voie la plus sûre, l’attitude de fond pour trouver le royaume ? Jésus nous l’enseigne : « Si vous ne redevenez comme des enfants … vous n’entrerez pas dans le Royaume, le Royaume est à ceux qui leur ressemblent. »

Tableau anonyme, Douai Miracle de Douai  
Tableau anonyme, Douai
Tableau anonyme, Douai

C’est ainsi que le Christ s’était donné à voir pour la majeur partie des témoins du miracle eucharistique de Douai à Pâques 1254 ; comme l’enfant de l’Incarnation. D’autres le virent comme le Messie souffrant qui donne le salut ; ou encore dans son corps de gloire comme promesse accomplie à laquelle il invite de participer dès maintenant. Le corps eucharistique est ce corps total, contemplé et consommé par lequel Christ nous assume (comme pour Marie en son Assomption). Ainsi le rosaire, histoire personnelle de Marie avec DIEU, devient notre histoire commune en Dieu.

La « devotio moderna » n’est pas restée pour Alain de la Roche, une pratique de prière privée et individuelle ; mais une nécessité ecclésiale. La conscience du corps du Christ qu’est l’Eglise, nous invite à vivre fraternellement.

Au couvent de Douai et à quelques pas de la chapelle du miracle, Alain de la Roche n’a pu qu’être nourrit de la tripe manifestation du CHRIST dans l’Eucharistie.
Les deux premières dizaines comme les deux dernières sont les seules qui concernent directement Marie, or dans ces quatre dizaines (annonciation, visitation, assomption, glorification) ; la requête de DIEU et la réponse humaine se conjuguent et s’accomplissent mutuellement en actes et vérité. La vrai dévotion procède de la vraie foi, et pourrait-on ajouter, à cette condition la foi rend plus intelligente la raison. Le dialogue de la Raison et de la foi, est une thématique chère aux papes Jean-Paul II et Benoit XVI. Il est vrai que la propre expérience de la Vierge MARIE nous éclaire. Elle nous instruit, pour nous rappeler que le Christ est aussi le gardien de la raison puisqu’il en est l’origine et le terme, le plein accomplissement. Ainsi la vraie dévotion à Marie éclaire-t-elle (pour nous) le ministère du salut du Fils éternel, depuis la propre contemplation de sa mère. À l’école du rosaire (école de vie chrétienne ouverte à tous), la vierge est certes l’interlocuteur de la prière (dans laquelle on demande en particulier son intercession), mais le rosaire place d’abord Marie comme le point de vue à partir duquel et avec lequel chaque priant est invité à contempler le mystère du Christ depuis l’annonciation par laquelle débute le chapelet jusqu’à la gloire de Dieu dans laquelle nous sommes déjà attendu. Par les mystères le joyeux, nous contemplons l’Emmanuel (Dieu avec nous), puis dans les mystères douloureux c’est le Serviteur, puis le dans les mystères glorieux : le Ressuscité, et enfin le Christ transfiguré dans les mystères lumineux. Christ est la lumière du monde Jean 8,12 dont « la clarté resplendit sur le visage de l’Eglise » (Lumen Gentium n°1). Le passage des ténèbres à la lumière se réalise dans l’Eucharistie, car alors les chrétiens deviennent « fils de lumière » par le Christ qui illumine nos regards de la présence de DIEU (rendu visible à nos yeux et dans nos proches). Avec Marie entendrons les paroles « faites tout ce qu’il dira ! »(Jean 2,5) « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez le ! » (Marc 9,7), pour « faire cela en mémoire » de lui (Luc 22,19) et vivre notre baptême dans l’offrande et l’action de grâce ; communion avec nos frères ; par LUI, avec LUI, et en LUI. Avec Marie, et comme nous invite l’Evangile de ce jour, osons tout quitter pour LE suivre. Nous sommes certains, qu’auprès de LUI, nous trouverons : PAIX et JOIE. « Posant son regard sur lui, (sans attendre), JESUS l’aima » C’est l’épisode qui suis juste en Marc 10, 17, l’annonce du Royaume dans l’esprit d’enfance spirituelle.

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Jeudi 31 mai 2012 • 2978 visites

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