13ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Comme souvent, la liturgie tombe bien. Regardez : ce samedi on fêtait Pierre et Paul, les deux colonnes de l’Eglise… et nous célébrons ce soir 2 départs de deux colonnes…. Peut-être pas en fait. Heureusement dans l’Eglise, nous fonctionnons comme le Sabbat : et donc c’est déjà dimanche ce soir. Et les textes de ce dimanche nous parlent d’Eli, le modèle des prophètes, le modèle des témoins de Dieu dans l’Ancien Testament, ils nous parlent de départ, de succession, et même d’une paire de bœufs, ce qui n’a rien à voir avec Eric et moi. Pas plus que les colonnes.
Puisque nous fonctionnons par paires, j’ai choisi de prendre 2 thèmes pour relire avec vous les textes entendus. Je ne me suis pas foulé : que nous disent-ils de Dieu ? Et que conseillent-ils aux disciples ? (NB : les disciples aujourd’hui, c’est nous !)
Dieu premier servi, donc, qu’est-ce que nous disent ces textes de Dieu ?
Le psaume, auquel on ne prête pas toujours attention, nous peint pourtant un magnifique portrait de Dieu : refuge, conseil, confiance, bonheur, vie, joie, ennemi de la mort et de toute corruption, de tout mal. C’est bien ce Dieu de vie qui nous réunit et que nous voulons célébrer ensemble chaque semaine.
La 1ère lecture comme l’Evangile nous recommande de ne pas nous retourner. Si on suit le Christ, c’est tout tout de suite. Ça peut nous sembler raide, d’ailleurs, et ça l’est. Pourquoi alors, cette insistance ? J’y reviendrai. Mais pour l’instant retenons simplement que c’est parce que Dieu lui-même se donne sans retour. Il nous donne la vie, Il nous offre le Salut sur la croix, et aussi douloureux que ce soit, même si l’humanité s’en contrefiche, jamais il ne reprend ce qu’Il donne.
La 2e lecture insiste sur le visage d’un Dieu qui invite à la liberté. Le pauvre, on l’a tellement défiguré à certaines époques, en faisant de lui un père fouettard inquiétant, qui enfermerait l’humanité dans un catalogue d’interdictions, qu’on ne le dira jamais assez : Dieu nous invite à la liberté. Il nous donne le sanctuaire de notre conscience. Il nous conseille, nous rappelle le psaume, mais il nous veut libres. Et libres de nous-mêmes. C’est ce que désigne l’expression résister aux « convoitises de la chair ». En l’entendant on pense…. Sexe et bouffe. Mais il s’agit de plus que cela. Il s’agit de résister à la tentation de se mettre toujours à la première place, de ne pas faire attention à l’autre, de toujours chercher à défendre son pré carré et son confort. Résister aux « convoitises de la chair » doit donc être directement lié au commandement : « Aimer son prochain comme soi-même » La vraie liberté à laquelle Dieu nous invite c’est la capacité à se dépasser pour faire place au prochain et à la communauté à construire, parce que là se trouve un vrai chemin de bonheur pour l’homme. Pas dans la satisfaction individuelle. Nous voyons d’ailleurs que la société de consommation ne parvient pas à rendre les gens plus heureux. … Un Dieu qui invite à la liberté. Quand nous vivons des passages libérateurs dans notre vie, nous pouvons être sûrs de la présence de Dieu : la croissance de notre liberté, c’est sa signature.
Un dernier point sur le Christ, que nous pouvons remarquer dans l’Evangile. Jésus se montre indulgent envers les samaritains qui ne le connaissent pas, n’ont pas eu l’occasion de le rencontrer, l’écouter. Dieu est indulgent avec ceux qui sont loin de lui. Mais Jésus se fâche contre les disciples qui proposent de « faire tomber le feu du ciel pour les détruire ». Dieu serait-il dur envers nous qui croyons en Lui ? Je ne le crois pas. Mais Il ne peut supporter qu’en son nom, on soit violent, ou menaçant. Jamais. Et c’est sans appel, sans nuances. Nous n’avons pas le droit d’être violents, même en paroles, au nom de Dieu. Ceci nous amène à mon 2e bœuf, 2e sujet…
Quelques conseils aux disciples (et je le rappelle, les disciples d’aujourd’hui, c’est … nous !)
5, en fait. (Marie-Odile, as-tu noté d’acheter des yaourts ?)
1er conseil :
Comme l’auteur du psaume, s’appuyer sur le Seigneur. Compter sur lui, toujours, particulièrement aux jours d’angoisse. Compter sur lui, sûr de sa présence, toujours. Sûr de sa bienveillance. Et plus on a l’impression d’avoir besoin d’être sauvé, plus il faut croire que justement Il nous donne ce Salut. Sans une vraie proximité personnelle, aimante, confiante, avec le Seigneur, nous ne pouvons pas être disciples.
2e conseil :
Etre libre. Plus précisément, chercher à grandir en liberté, chaque jour. A la suite du Christ, en faisant place, comme lui, au prochain, et à la communauté, avant de chercher son propre intérêt. Pas par héroïsme. Mais parce que c’est là le chemin du bonheur, pour nous, et pour toute l’humanité.
3e conseil :
Se donner, et se donner sans retour. En fait, nous devons rester très modestes face à ce conseil : Il n’y en a qu’un d’entièrement donné, et c’est Jésus. Même quand nous faisons des promesses pour toujours, nous savons qu’elles sont fragiles. Madeleine Delbrêl décrit avec malice cette fragilité : Seigneur, je vous aime plus que tout… en général… mais tellement plus que vous, dans cette petite minute qui passe… une cigarette ! Seigneur je vous donne ma vie, toute ma vie… mais pas ce tout petit morceau de vie, ces 3 minutes où je n’ai pas tellement envie d’aller travailler, ou d’écouter cette insupportable créature qui me raconte pour la 100ème fois ses minuscules ennuis. Nous ne sommes jamais complètement donnés sans retour, et pourtant, ce sont les promesses sans retour qui nous permettent de donner le meilleur de nous-mêmes : ceux qui sont mariés, « pour le pire et le meilleur », ceux qui sont parents (pareil), ceux qui sont ordonnés ou consacrés le savent (pareil aussi !). C’est là que tout se joue, et notre oui de disciple est nécessaire, malgré sa fragilité.
4e conseil :
Aucune violence. Aucune, jamais. Et surtout envers ceux qui ne connaissent pas le Christ. Et nous savons, dans notre monde multi-culturel, multi-religieux, où notre position en Europe n’est plus celle d’une maîtrise voire d’une domination, que l’inquiétude pourrait nous rendre violents. Ce n’est pas le chemin du Christ. Sinon, il ne se serait pas laissé crucifier. Or c’est sur la croix que tout se noue, que tout se joue. Et l’excuse « oui, mais d’autres le font, alors nous aussi si on veut gagner notre place au soleil » ne tient pas la route. Surtout pas si nous contemplons la façon d’agir de Jésus.
5e conseil :
Le disciple est invité à se tourner vers l’avenir, pas vers le passé. C’est parfois compliqué de se dépêtrer du passé. Pour nous, comme personne, et pour nous ensemble, Eglise catholique. Mais rester figé vers le passé c’est se condamner à l’enfermement nostalgique ou douloureux. Choisir de vivre le moment présent en regardant l’avenir, c’est choisir de vivre, pas de mourir.
5 conseils donc : cultiver notre relation au Seigneur, grandir en liberté, se donner sans retour, refuser la violence, et se tourner vers l’avenir.
Je terminerai en revenant à des paroles du rituel d’ordination des diacres lors de la remise de l’Evangile : « Recevez l’Evangile du Christ que vous avez la mission d’annoncer. Soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez, à enseigner ce que vous avez cru, à vivre ce que vous aurez enseigné » vivre l’Evangile que nous annonçons…. On le sait bien, le monde nous le reproche assez : les chrétiens, ils disent, et ils font pas » (et les prêtres, c’est pire ». C’est agaçant comme reproche. Parce que c’est en partie vrai. Tout ce que j’ai pu vous dire pendant ces 4 années, ne croyez pas que je le vis déjà, en plénitude. J’en suis bien loin ! Chaque parole essaie simplement d’être un encouragement fraternel à marcher sur le chemin du Christ, chemin sur lequel les prêtres marchent avec vous, tombant comme vous, boitant comme vous, courant parfois comme vous… ensemble, avec vous.
Et ce ne sont pas quelques Km qui changeront cela : nous voulons marcher ensemble à la suite du Christ, nourris de sa présence. Amen
Venceslas Deblock
29 juin 2019
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