Homélie pour la St Jean-Baptiste - 24/06

Messe d’action de grâce. Douai 2004-2012.


(homélie St Jean-Baptiste.mp3)

L’évangile de ce jour est empreint de joie. Zacharie, Elisabeth et leurs amis sont heureux de la naissance de Jean. Cela est compréhensible ! Mais ici, plus encore que d’habitude, Dieu a prodigué sa miséricorde en offrant à ce couple stérile un fils. Zacharie chante et rejoint par là-même la joie qui embrase Marie et Joseph, les anges et les bergers, Siméon et Anne… Avec l’Incarnation du Verbe, la joie de Dieu entre dans le monde. Pas une joie passagère, celle que les hommes se donnent pour échapper un instant à la tyrannie du quotidien (Euphorie) mais la joie durable (Enthousiasme) qui transfigure l’homme et l’histoire. Histoire qui se trouve bouleversée par la naissance de Jean. Il ne portera pas le nom de son père, ni de ses ancêtres comme le voulait la coutume. Il portera un nom nouveau parce qu’une ère nouvelle s’ouvre. Il s’appellera Jean ce qui pourrait se traduire par « le Seigneur a exalté sa miséricorde ». Zacharie chante la bienveillance de Dieu qui « visite et rachète son peuple ». Il manifeste par ces mots que la naissance de l’enfant s’inscrit dans la fidélité de Dieu pour son peuple. Son cantique est une hymne à la miséricorde de Dieu. En effet, les prophètes ont fait entendre la tristesse et la colère de Dieu face à la suffisance et à l’hypocrisie de l’homme. Dieu allait jusqu’à supplier son peuple de ne plus venir offrir encens et sacrifices : « Se trouvera-t-il enfin parmi vous quelqu'un pour fermer la porte, pour que vous n'embrasiez pas en pure perte mon autel ? Je ne prends aucun plaisir en vous, dit le SEIGNEUR le tout-puissant. » (Malachie 1,10). Dans la naissance extraordinaire de Jean, Dieu revient vers son peuple. Il refuse d’abandonner l’homme à son cœur endurci. Avec Jean, Dieu s’engage de nouveau. Il réalise « ce qu’il avait annoncé par les saints et les prophètes anciens » (Luc 1,70). Dieu est fidèle.

1206_Img1_homélie 24 juin.jpg 1206_Img1_homélie 24 juin.jpg   Vous l’avez certainement remarqué Zacharie : parle de son fils Jean dans la lumière de l’Incarnation. Il reçoit son fils dans la lumière de Jésus « Et toi, petit-enfant, tu seras appelé prophète du Très-haut, tu marcheras devant, à la face du Seigneur… quand nous visite l’astre d’en haut » (Luc 1, 76-78). Vivre dans le regard du Seigneur, marcher en sa présence, telle est la vocation de tout homme, de tous les hommes créés à l’Image de Dieu. Zacharie met en avant le visage de Dieu. Dans la première Alliance, Il s’est révélé comme le Tout-puissant qui aime comme un père aux entrailles de mère. La première lecture de ce jour (Isaïe 49,1-6) rédigée plus de cinq siècle avant Jésus-Christ décrit Dieu qui nous forme dans le sein maternel, qui prononce notre nom, qui nous protège de sa main, qui nous enserre… La vision anthropomorphique d’Isaïe préfigure ce qui se réalise pleinement dans l’Incarnation. Jésus est Dieu qui se rend proche. Il guérit en prenant la main des malades (Marc 1,29-30). Il bénit en embrassant (Marc 10,14-16). Il pleure la mort de son ami (Jean 11,35). Il donne son corps et son sang (Luc 22,19-20) son esprit (Jean 19,30). Dieu est proche. Il nous donne tout. En Jésus, son Fils, il nous offre de partager son intimité. D’ailleurs Jean sera le prophète qui se dira l’ami de l’Epoux (Jean 3,29) Depuis notre baptême, et tout particulièrement en chaque eucharistie, nous faisons l’expérience de la proximité de Dieu. Jésus nous prend, pour ainsi dire, par la main pour nous partager l’intimité du Père. C’est là que nous recevons notre nom véritable. Celui que Dieu prononce. C’est là que nous nous sommes restaurés, recréés dans l’Esprit-Saint dans le regard de Jésus.

1206_Img2_homélie 24 juin.jpg 1206_Img2_homélie 24 juin.jpg  Le cantique de Zacharie célèbre la venue du Sauveur dont son fils est le précurseur. L’Esprit-Saint révèle le but et l’effet de la mission du Sauveur de l’homme. Il nous libère du péché (Luc 1,77) et nous arrache des ténèbres et de la mort (Luc 1,79). Les verbes sont similaires à ceux de la libération de la captivité d’Egypte. De nouveau, Dieu intervient en notre faveur. Il ne s’agit plus ici d’une simple libération politique mais libération anthropologique afin que l’homme puisse entrer dans la terre promise où ruissellent le lait et le miel : le Royaume de la présence de Dieu. Zacharie précise « pour servir (Dieu) dans la justice et la sainteté  tout long de nos jours» (Luc 1, 75) Zacharie est prêtre. Le service dont il parle est celui du culte. Nous pouvons donc dire que Dieu nous libère du péché et de la mort pour entrer en adoration et vivre dans la sainteté. Le but du Salut est d’établir l’homme dans l’attitude filiale par excellence qu’est l’adoration. Toute la vie de Jésus, toute sa mission ont pour objectif de faire de nous des « adorateurs en Esprit et en Vérité » (Jean 4,23). Nous avons souligné avec quelle force, Zacharie présente l’intervention de Dieu pour nous arracher à l’ennemi, à la main de tous nos oppresseurs. La terminologie guerrière empruntée à l’Exode souligne que Dieu va payer le prix fort. Il ne sauvera pas en nous offrant une morale, des valeurs ou encore une loi nouvelle. Il le fera en livrant sa vie sur une croix. Dietrich Bonhoeffer (théologien protestant, pendu en 1945 au camp de concentration de Flossemburg) écrivait « le salut est une grâce. La grâce coûte cher d’abord parce qu’elle a coûté cher à Dieu, parce qu’elle a couté à Dieu, le prix de son Fils. Elle est grâce parce que Dieu n’a pas trouvé que son Fils fût trop cher pour notre vie, mais qu’il l’a donné pour nous » (D. Bonhoffer : Le prix de la grâce). Nous comprenons mieux la teneur de la joie de Zacharie. L’enfant qu’il tient dans ses bras manifeste le don que Dieu le Père va faire en son propre fils sur l’autel de la croix pour notre salut. La joie de Zacharie émane déjà de l’offrande et du sacrifice de Jésus. La joie de Zacharie trouve sa source dans le mystère Pascal.

1206_Img3_homélie 24 juin.jpg 1206_Img3_homélie 24 juin.jpg  La joie du Salut qui rayonne sur le visage et dans la voie de Zacharie entraine ses amis et ses voisins dans l’émerveillement (Luc 1, 65). Certains s’interrogent, d’autres y voient déjà la main de Dieu. Le témoignage de Zacharie ouvre l’intelligence et le cœur. Aujourd’hui, nous sommes appelés à suivre Zacharie. Le temps est venu de faire entendre notre espérance à nos sociétés sécularisées, fermées sur elle-même. Les crises économiques que nous traversons révèlent une crise plus profonde qui touche l’homme. Livré à ses propres émotions, il n’est plus que l’ombre de lui-même. La mort de Dieu a provoqué la décomposition et de l’homme et de nos civilisations qui se voulaient modernes. Les défis sont immenses. Notre responsabilité de chrétiens l’est davantage. Cela fait peur souvent. Nous sommes décontenancés et parfois tentés de nous replier sur nous-mêmes et peut-être même de nous abandonner au gré des modes. Il y a plus de 30 ans le bienheureux Jean-Paul II martelait haut et fort « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance de Salut ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! » (Jean-Paul II, homélie 22 octobre 1978) et Benoit XVI d’ajouter « N’ayez pas peur du Christ, il n’enlève rien. Il donne tout. » (Benoit XVI, homélie, 24 avril 2005). La foi de notre baptême nous porte et nous pousse « à être des témoins courageux et sans complexes, authentiques et crédibles ! » comme disait le Pape à Madrid et d’ajouter «  N’ayez pas peur d’être catholiques, d’en témoigner toujours autour de vous avec simplicité et sincérité ! Que l’Église trouve en vous et en votre jeunesse les missionnaires joyeux de la Bonne Nouvelle ! » (Benoît XVI, Angelus du 21 août 2011. Madrid). Nous pouvons compter sur la communion des saints. Hommes et femmes de tous les temps, ils ont répondu, avec force et souvent en tremblant, à l’appel de Dieu.   Ils nous donneront l’effervescence, l’expansion, la dilatation de la charité qui transfigure toute vie. Ce sont eux qui, maintenant, nous portent, eux qui nous poussent à l’audace évangélique. Nous sommes de ce peuple de saints qui, avec des forces faibles mais habités par l’Esprit-Saint, ont changé, la vie des hommes et disons-le le cours de l’histoire. Soyons saints à tout prix ! Ne perdons pas notre vocation prophétique ! Aujourd’hui, comme hier, le Christ nous appelle à être « sel de la terre et lumière du monde » (Mat 5,13-14) et « levain dans la pâte » (Mat 13 ,33). Nous sommes les témoins dans ce monde de l’amour de Dieu.

1206_Img4_homélie 24 juin.jpg 1206_Img4_homélie 24 juin.jpg  En guise de remerciement pour ces huit années passées auprès de vous, j’ai choisi cette gravure du Cœur de Jésus. Elle peut paraître un peu sévère à l’heure de la polychromie, voire désuète. Je dois vous l’avouer, je l’aime beaucoup. On ne sait qui, de ses mains fragiles et fortes, a dessiné le visage, le cœur, les mains transpercées de Jésus. Rien ne manque. En ce lieu ou tant d’hommes ont été assassinés par ceux qui voulaient créer un homme parfait, il a dessiné l’homme blessé et victorieux du mal. En ce lieu de désespoir, s’il en est, rayonne, grâce lui, et pour toujours l’Espérance chrétienne. Esperance qui nous tend les bras, qui nous offre son cœur. Espérance qui est un visage, un regard qui nous aime. Un peu plus loin de ce baraquement, un autre chrétien offrira sa vie à ceux qui pensaient pouvoir la lui dérober. Il accompagnera dans le bunker de la faim ses compagnons d’infortune par une ode à la joie, une hymne à la charité. Les chants de Maximilien Kolbe ressemblent beaucoup au cantique de Zacharie. Par l’incarnation, la joie de Dieu est entrée dans le monde. Et le Christ nous y a plongés par sa croix ! Le chrétien est façonné dans la joie de Dieu. Fort de cela, que dessinerons-nous sur les murs de ce monde qui semble se refermer sur lui-même ? Quel sera notre chant aujourd’hui ?

Père José VAN OOST

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Lundi 25 juin 2012 • 4303 visites

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