Les baskets roses

Conte de Noël

 

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« Juliette, j’ai beau fouiller dans ton armoire, je ne retrouve pas les baskets roses que ta marraine t’avait offertes pour le jour où tu sortirais de l’hôpital. »

 

Sortir de l’hôpital, sortir guérie après quelques mois de traitement, et cela juste avant la fête de Noël, j’ai l’impression de vivre le plus beau des rêves. Mais il faut que je l’avoue à maman : mes baskets roses, je les ai données. A la télévision, j’ai vu à plusieurs reprises une petite fille qui parlait de ses baskets trouées que sa mère ne pouvait pas remplacer, par manque d’argent. Chaque fois, je versais des larmes. Un jour, j’ai décidé de lui envoyer mes baskets roses. J’en ai parlé à Suzanne, qui, toutes les semaines, me rendait visite.

 

Suzanne, c’est l’aumônier de l’hôpital (le mot ne se met pas au féminin, paraît-il). Elle m’a dit : « La petite fille de la télévision, on ne sait pas qui c’est. Mais regarde autour de toi : dans cet hôpital, peut-être à ton étage, il y a sans doute des enfants qui n’ont que des chaussures trouées, ou qui simplement auraient besoin d’un cadeau. »

 

Justement, dans notre groupe d’enfants, j’avais remarqué une petite Africaine qui restait à l’écart. Elle ne parlait pas le français. Comme nous tous, filles et garçons, elle avait perdu ses cheveux, elle avait l’air si triste ! Alors, un soir, sans me faire voir, j’ai déposé au bord de sa chambre mes baskets roses. Ensuite, je ne l’ai plus revue, et une infirmière m’a dit qu’elle était partie. J’étais heureuse qu’elle ait emporté quelque chose de moi.

 

Maman ne s’est pas fâchée ; au contraire, elle m’a serrée bien fort dans ses bras. A la maison, pour mon retour, c’était la fête. Mes frères et sœur avaient accroché des guirlandes partout. « Demain, c’est Noël, a dit maman. La famille sera réunie. Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? » Je lui ai répondu que le plus beau des cadeaux, ce serait qu’elle retrouve la petite Africaine et qu’elle l’invite à notre table. Alors maman m’a pris à part, et très doucement, elle m’a dit : « Il ne faut pas que tu pleures. On t’a dit que ta voisine était partie. Mais c’est au ciel qu’elle est partie. Elle est maintenant auprès de Dieu, et elle est heureuse. Sa mère avait laissé à l’hôpital ses baskets roses. Une infirmière les avait vues dans la chambre. On me les a rendues. J’en ai fait don à une association d’aide à l’enfance. C’est ce que tu souhaitais, je crois. »

 

Une maman peut faire des miracles : j’étais au bord des larmes, et, peu à peu, je me suis sentie apaisée. J’ai voulu installer toute seule la crèche, en disposant autour de Jésus et de ses parents les personnages traditionnels. Mais, cette année, une nouveauté : j’ai placé derrière les bergers un grand dessin représentant le chœur des anges. Les anges : ils ont le visage des filles et des garçons que j’ai connus à l’hôpital et qui m’ont fait cadeau de leur gentillesse sans jamais pleurnicher. Au centre, avec deux grandes ailes, la petite Africaine. Je lui ai rendu de beaux cheveux bouclés, je lui ai rendu son sourire. Elle est chaussée de baskets roses : elle va les porter pour l’éternité.

 

Gérard VITOUX

 

 

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Samedi 18 novembre 2017 • 852 visites

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