Messe de la minuit

Collégiale St Pierre

Cette nuit, se manifeste la présence de Dieu au milieu des hommes, non pas par une toute puissance redoutable, mais dans la fragilité d’un tout petit enfant.

Cette nuit, Dieu a dressé sa tente et Il demeure parmi nous. Il habite notre terre. Dieu vient nous rejoindre. Lui qui est la Vie, il entre dans le cours de la vie et se rend visible à nos yeux. Lui qui est Créateur de toutes choses, Il se fait l’un de nous en prenant chair dans le sein d’une femme. Avec la naissance du Sauveur, l’amour de Dieu devient, palpable, accessible, fait de chair et de sang. C’est un amour qui ne s’impose pas et qui est cependant plus puissant que la mort. C'est un amour gratuit qui ne réclame rien mais qui offre à la Création : le tout de DIEU. Si Dieu n’aimait pas notre monde, il se serait bien gardé d'y dresser sa tente.

Vous devinez combien le scout qui sommeille en moi et vibre à cette idée de "la tente". Cela évoque pour moi depuis l’enfance mille expériences d'itinérance et de partage vécues, dans le Nord, en France, en Europe, au Maghreb jusqu’au désert saharien, en Afrique tropicale ou jusqu’aux sommets de l’Himalaya. Vous-même, vous avez peut-être au cœur quelque souvenir d'un chantier de jeunesse, d'une cabane dans le jardin des grands-parents. Cette expérience c'est aussi celle du Peuple de l'Alliance dans sa longue nuit de l'Exode quand le Seigneur se manifestait à lui dans la tente de la rencontre ; ou encore au temps de l'Exil quand se codifiait le texte de sa parole d’Alliance (l’Ancien Testament), ou plus tard lors de l'occupation étrangère et de la diaspora quand il ne lui restait plus que les cabanes de Soukkot du don de Loi pour attendre le Messie.

Si Dieu n’aimait pas notre humanité comme certains le prétendent dénigrant la religion en pensant atteindre la Foi, s'Il n'était qu'un Dieu jaloux et vengeur, s’il méprisait le corps ; il ne serait certainement pas devenu chair humaine et vie palpitante. En devenant l’un de nous, DIEU remplit nos yeux de sa lumière. Ainsi par son Incarnation, nous comprenons que pour Lui, la plus humble vie humaine a du prix ; qu’elle vaut la peine d’être vécue, pleinement et dans la joie. Nous comprenons que le bonheur n’est pas seulement pour plus tard, ni dans la fuite, ni dans un ailleurs, un autre monde qui serait à l'image de notre idée de perfection.

Nous ne sommes pas seuls dans la nuit, car « un enfant nous est né, un Fils nous a été donné» ! Nous ne venons pas des ténèbres pour y retourner. Nous ne marcherons seuls, car « Dieu est avec nous ». Non, nous ne sommes pas des poussières condamnées à l’oubli au néant ; car Il est avec nous. Non, nous ne sommes pas programmés dès notre conception ou formatés, mais sommes libres, capables de choisir la vie, capables de choisir Dieu… car Il est avec nous , l’Emmanuel !

Cette nuit Dieu nous offre de pouvoir risquer notre vie avec Lui en partage. Cette nuit, Dieu vient faire de nous sa joie. Désormais notre vie devient une vie nouvelle, une vie divine. Et cette vie, elle n’est pas pour Lui seul ou pour demain ; elle est pour ce monde ci. Elle est pour nous, elle est pour tous et pour chacun en particulier. Riches et pauvres, jeunes et vieux : cette nuit, ce que le cœur de l’homme attendait depuis l’aube des temps se réalise. Ce que le cœur de l’homme désirait ardemment devient réalité. Un temps de grâce s’ouvre. Un monde nouveau se lève, un peuple nouveau se dresse, « ardent à faire le bien », car Dieu se donne et nous invite à partager sa vie, en faisant de nous ses fils et filles.

Quels messagers (anges) nous ont appelés ? Pourquoi sommes-nous venus ?


Nous sommes ici peut être par tradition, peut-être par souvenir d’enfance ou pour faire plaisir aux parents, pour fêter le « petit Jésus» et entendre les cantiques de Noël, ou bien encore parce qu'on a toujours été à la messe de Noël. Même si nous savons ce que nous célébrons et pour qui nous sommes là ; toutes ces raisons que je viens d’évoquer nous conduisent devant un mystère. Oui, comme les bergers de l’Évangile, nous sommes là, face à la naissance du sauveur, du Fils de Dieu né de la Vierge Marie. Nous y sommes parce qu’il y a eu des anges et des éveilleurs dans notre vie qui sont venus nous appeler, nous réveiller, et nous faire quitter notre bergerie, nos prés carrés et nos habitudes moutonnières, nos certitudes, nos attentes et les prisons de nos peurs. Au travers de partages, ces anges ont manifesté la présence et l'action de Dieu. Ils ont chanté à nos cœurs la gloire de Dieu, nous assurant d'une belle et bonne nouvelle en acte.

Et qu'est-ce donc pour nous aujourd'hui, que cette Bonne Nouvelle ?


Est-ce d'avoir la santé ? Est-ce la fin du chômage ? La fin d’une solitude difficile à vivre ? Une réconciliation à offrir ou recevoir? Ou encore la joie des proches rassemblés ? La naissance ou la promesse d’un enfant dans son devenir ? Tout cela est grandement désirable et c’est une chose redoutable d’annoncer à quelqu’un la réalisation de la Promesse. Qui sait s’il la recevra comme une bonne nouvelle pour lui ou plutôt que comme une nouvelle indifférente, qui ne le concerne pas, qui ne répond pas à ces besoins, ou pire, comme une nouvelle révoltante ?

Annoncer un sauveur à chacun, ne peut se faire sans engagement responsable sans vie risquée à ses coté. C’est pour cela que Dieu vient et prend humanité ! Rassemblés comme autrefois les bergers, nous sommes invités à accueillir cette Bonne Nouvelle : l’Évangile de la venue du Sauveur. Une bonne nouvelle qui exige de nous un changement profond de point de vue, un engagement de vie. Nous sommes tellement habitués à juger des choses en fonction de nos désirs, et à ignorer ce qui n’entre pas dans le champ de nos attentes. Cette nouvelle qui dépasse ce que nous pouvons désirer. Pourrons-nous la recevoir, ou ce cadeau restera-t-il inapproprié, inadapté ?
Je crois que nous pourrions l'accueillir avec la simplicité d'un cœur de l’enfant car nous avons besoin d'un Sauveur de l’humain, d'un Sauveur de ce que nous sommes. C’est pourquoi ce Sauveur n'est pas venu sur la nuée mais dans les langes d’un nouveau-né. Le salut de notre âme et de notre être, est dans ce nouveau-né qui nous attend à la crèche, et qui, dans son dénuement inoffensif, dans sa nudité impuissante, fait écrouler les murs de nos craintes, de nos attentes, et de nos manques pour nous réconcilier avec nous-mêmes, avec Dieu, et avec nos frères. Délivrés alors de tous ces désirs qui nous font craindre le lendemain, emplis d’une joie nouvelle, qui n’est pas celle d'un simple assouvissement, nous rejoignons la proclamation de la Gloire de Dieu rendu présent dans le nouveau-né emmailloté et couché dans la mangeoire. La proclamation de DIEU qui reste avec nous. La grande, et bouleversante nouvelle de l’Incarnation de Dieu est donnée comme un aveu discret à contempler : Dieu parmi nous, demeure. Il fait de nos vies son tabernacle, l'arche itinérante de son Alliance. Il s'offre dans la mangeoire, pour que nous ayons la vie, une vie consistante et nourrissante : sa VIE en plénitude. "

Père Bernard DESCARPENTRIES

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Lundi 26 décembre 2011 • 1318 visites

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