Fiche 6

Présentation au temple - Luc 2, 22-40

Giovanni Bellini, Kunsthistorische Museum,Vienne 6-Présentation au Temple  
Giovanni Bellini, Kunsthistorische Museum,Vienne
Giovanni Bellini, Kunsthistorische Museum,Vienne
On peut faire un parallèle entre ce texte et la naissance de Jean.
L’entrée de Jean dans l’histoire du salut s’est produite dans le temple, lors d’un culte et ensuite il n’y viendra jamais plus lui-même.
Jésus lui, né dans une étable, va être manifesté au Temple.

Un double événement prévu par la loi de Moïse est l’occasion de cette manifestation : la purification de Marie et le rachat du fils premier-né.
* Selon le Lévitique 12, 8 : une femme pauvre prend deux tourterelles ou deux pigeons, l’un servant à l’holocauste et l’autre à un sacrifice pour le péché ; quand le prêtre a fait sur elle le rite d’absolution, elle est purifiée.
* Le rachat du premier-né est conforme à la loi d’Exode 13,12 « Tout être qui ouvre la matrice .. tous ceux qui seront à toi, les mâles, tu les consacreras au Seigneur. » (voir aussi la présentation de Samuel par Anne en 1S1,22-24). Offrir ainsi son enfant à Dieu c’est reconnaître qu’il vient de Dieu et faire un geste de re connaissance.

Ce texte vient dans la foulée de la naissance avec la circoncision dans les 8 jours et la présentation dans les 40 jours. Il se situe donc dans la plus stricte observance de la loi de Moïse.

Les parents sont pieux et obéissent à la loi, ils accomplissent même ce qui n’est pas prescrit : présenter le nouveau-né en personne. Israël a compris qu’il ne fallait pas « sacrifier » l ‘enfant et qu’il pouvait y avoir des « victimes » de remplacement. Cela n’enlève rien au don du fils à Dieu. On sent comment Dieu a éduqué son peuple pour le faire advenir à ce niveau de conscience.
Mais Luc reste neutre car il supprime les prénoms : ça devient « on » fait ce que la loi dit de faire.
Luc ne met pas en avant les personnages mais les rend comme déjà absents de la loi de Moïse et pourtant en train de s’y soumettre. On peut comprendre que Marie n’a pas besoin d’être purifiée. Marie, Joseph et Jésus restent en marge de cet événement : ils sont seulement soumis à la loi du Seigneur : elle fait la démarche au nom d’un amour de reconnaissance, elle rend à Dieu ce que Dieu vient de lui donner.
Au verset 39, on dit que « c’est accompli », le rite ; or ils n’ont pas fait ce que nous dit le début du texte, il y a donc un vide. Luc ne raconte pas les gestes proprement dits, il y a un blanc. Et c’est dans cet espace que deux événements vont survenir : la rencontre de Syméon et d’Anne. Dans cet espace, l’Esprit va souffler, se manifester, parler …

  • 22 la loi de Moïse // loi du Seigneur.
    Le récit ne raconte pas l’ancien (sacrifice des oiseaux), le sacrifice mais à la place il nous parle de Syméon : c’est du tout nouveau dans la pratique d’un rite ancien. Syméon court-circuite la purification de Marie et seul le rite de la consécration de l’enfant au Seigneur a lieu.
    Syméon n’est pas présenté comme prêtre, mais comme un homme extérieur au service du temple qui vient poussé par l’Esprit. Il représente la lignée des hommes justes et pieux en Israël. On donne tout de suite son prénom : il vit en conscience dans la pureté. Il n’est pas seulement juste et religieux, il attend que se réalise la prophétie des soixante-dix semaines (écoulées depuis que Gabriel a annoncé la naissance de Jean = la délivrance de Jérusalem devient une réalité). C’est l’heure ultime où Dieu vient sauver une fois pour toute son peuple. Espérance que proclamait le livre de la consolation, en Isaïe des chapitres 40 à 55.
    Du nouveau aussi en liant le temple et l’Esprit Saint. Le nouveau est poussé par l’Esprit saint. Il faut passer de la loi à l’Esprit.
    Syméon est le pivot de cette histoire, il sait par grâce que cette intervention est imminente : il verra la venue du Messie, l’instant où l’histoire va basculer définitivement. Ce passage s’opère dans une rencontre humaine (comme pour la visitation en 1,39-56 ou pour Corneille en Actes 10). Tout est donné lorsque deux personnes se rejoignent, poussées par l’Esprit et qu’elles se communiquent ce qu’elles ont reçu de Dieu.
  • 26 « Il ne verrait pas la mort avant d’avoir vue le Messie » Voir la mort c’est le shéol. Voir le Messie, le salut, avant la mort. Il y a un lien à faire entre le Christ et cette mort.
  • 27 Avant que le rite soit accompli, avant que ce geste n’aille à son terme, Syméon s’empare de l’enfant. Il le prend, ce n’est pas Marie qui le lui donne. Lui, l’ultime veilleur de l’ancienne alliance prend l’enfant dans ses bras (geste du prêtre) il bénit Dieu et la révélation qu’il avait eue s’accomplit. On ne parle plus de l’endroit des sacrifices et de la prescription de la loi.
    Nous voilà face à une homme plein d’Esprit Saint qui se met à parler. Au fond, en prenant Jésus dans ses bras, c’est le don de Dieu qu’il accueille.

    Il prononce un cantique (29-32) et un oracle (34-35). Il s’adresse directement à Dieu. Sa tâche est allée à son terme, tel Abraham il peut s’en aller en paix vers ses pères pour être enseveli (Gn 15,15). Abraham avait reçu la promesse, pour Syméon elle se réalise. Le salut, c’est l’allusion à la résurrection qui permet de mourir en paix. L’Esprit lui révèle que l ‘enfant sera le serviteur que Dieu a destiné à être lumière des nations afin que son salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre (Isaïe 49,6).
    Par Syméon, le Seigneur, ce jour-là, fait ce qui lui plait de ce qu’on lui a offert (le premier-né) : la loi est sauve et Dieu fait ce qu’il veut.
  • 29 Syméon s’adresse directement et glorifie le maître : c’est un face à face avec Dieu par l’Esprit. « Laisser ton serviteur s’en aller » : tu me libères car mes yeux ont vu ton salut. Il ne parle plus de mort et à la place il dit qu’il est renvoyé libre. La mort est une libération de toutes les chaînes qui l’enfermaient. Ses yeux ont vu l’enfant et il dit voir le Christ, maintenant. Bonne Nouvelle à la dimension de l’univers ! Par la force du Christ, la mort est détruite et du coup je suis libéré. Parce que quand je vois le salut, je ne peux pas ne pas être sauvé.
  • 30 Mes yeux ont vu le salut.
    Le sacrifice ultime, le Christ le fera pour le salut du monde dans sa propre chair en faisant couler son sang. Il n’y aura alors aucune victime de substitution. La mort a changé de sens et on peut dire que Syméon entre dans la vie.
  • 33 Marie et Joseph sont étonnés et émerveillés [comme 1,63 (Zacharie retrouve la parole) et 2,18 (les bergers étonnent) ].
  • 34 Mais à ce cantique joyeux succède un oracle menaçant : cet enfant qui apporte le salut ne laissera pas indifférent ceux et celles qui le rencontreront, en sa présence chacun sera sollicité dans sa liberté : rejet ou accueil. Question pour chacun de nous. Ce fils deviendra source de division en Israël (Luc 12, 51-53 je ne suis pas venu donner la paix mais la division …). Ce rejet de Jésus et de sa parole va courir comme un fil rouge tout au long chez Luc. Syméon prononce une parole d’ange à sa manière. Un nom nouveau est donné à Jésus « signe contesté ». Marie sera blessée au plus intime de sa personne : ne voyons pas là la souffrance de Marie au pied de la croix car Luc ne le raconte pas.
    Mais le drame se profile.
  • 35 Luc ne se trompe pas : oui le glaive transpercera le cœur de Jésus sur la croix mais ici il parle bien de Marie. Marie si proche de son fils dans une identification. Rien ne se passera pour son fils en contestation et rejet qui ne soit un même glaive pour sa mère. Même route pour elle et lui, chacun à sa manière. Et Marie part du temple avec ça, sans réaction. Elle est venue accomplir la loi avec son fils dans les bras et elle trouve la mort. Et on est au temple. Ce n’est pas le lieu où on vit alors elle retourne à la maison.
  • 36 Le récit pourrait s’achever là mais Anne s’approche, elle a 84 ans, « elle a tout vu » c’est une histoire ambulante. C’est à elle seule l’histoire d’Israël du début à la fin. Elle n’apporte aucune nouvelle révélation. Elle s’exprime en style direct. C’est à cette femme, modèle de la veuve juive, qu’il revient de faire écho au cantique de Syméon. Joie.
  • 37 Elle ne s’écarte pas du temple, elle est très proche du culte rendu à Dieu. Prophétesse ? On aurait envie de dire prêtresse. Elle vit au temple et elle est forcément là au bon moment. Sa fidélité la met à l’heure de l’Esprit sans que celui-ci ait besoin de dire son mot.
  • 38 Elle proclame les louanges de Dieu à tous ceux qui attendent la délivrance de Jérusalem. Sa parole ne sera pas pour Marie mais pour Jérusalem. Ville du Golgotha et on arrive déjà à la fin. Début et fin coïncident.
  • La conclusion en 39-40 mentionne une nouvelle fois la fidélité à la loi.
    Puis c’est le retour en Galilée, à la maison.

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Dimanche 13 novembre 2011 • 2071 visites

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