ÉMOUVANT RETOUR AU MINISTÈRE SACERDOTAL
APRÈS 20 ANS DE VIE LAÏQUE
Il est prêt. A 70 ans, le père Christian est d'accord pour témoigner comment, après deux décennies d'éloignement - il n'a jamais demandé à Rome sa réduction à l'état laïc -, il a retrouvé la vie sacerdotale.
D'emblée, il cite son archevêque, François Garnier, et les frères prêtres de Douai, sa ville port d'attache - l’expression vient à l’esprit car il habite la résidence "Les jardins de la Scarpe", quai de la Barque … - qui l'ont aidé à cela puisque le voilà depuis six mois associé à la paroisse saint Jean XXIII en Douaisis.
Aîné de quatre garçons - « frangins sacrés ! » tous engagés dans la vie de la cité ou de l'Eglise -, Christian dit tout devoir à ses parents douaisiens à partir de 1949, Valère et Claire, aujourd'hui disparus, qui ont mené par les deux bouts, et toujours l'un avec l'autre "comme un corps soudé", vie d'ouverture aux autres et vie d'engagement : "Les Houillères, le scoutisme, la JOC-F furent leurs fondamentaux avec une grande attention portée aux plus petits. Mon père les visitait, nous étions à ses côtés, on voyait les choses, çà te marque !". Les petit et grand séminaire (Solesmes, Cambrai, Lille), le service national (en 1968 !), le jeune Christian fait son pré-stage dans le Denaisis - « avec sa misère et sa mission ouvrière » - avant de plonger dans la paroisse de Douai sainte Thérèse - son ordination, en juin 1974, se fit dans l'église, une première ! - où il restera jusqu'en 1981.
Il y imprime sa manière d'exercer un ministère très proche des jeunes et des familles : beaucoup veulent « .passer par Christian, un pasteur si chouette ».
Hautmont - la ville aux cent cheminées devenue... sans cheminée - sera sa prochaine affectation puis Saint-Amand-les-Eaux où, en année à l'institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC, Paris), il ne fait qu'un court passage : "Cette formation fut très riche, j'y découvrais -outre des rencontres intéressantes- mille façons de vivre pastorale et présence d'Eglise".
1989 : c'est l'immersion en rural, territoire dont il ne connaît rien, à Gommegnies - commune du pays de Mormal - avec l’animation de douze clochers. "Grâce à l'ami boucher éleveur, j'ai participé, la nuit, à des vêlages" se souvient avec émotion le père Christian. Il entretient de bonnes relations avec la municipalité, mêlant action et rencontre, en proximité des personnes pauvres et plus fragiles. "Ce sera toujours mon fil rouge" dit-il.
Rupture et... résurrection
Une liaison féminine va mettre fin à son ministère à partir de 1995. "A l'époque, j'ai aussi trouvé que nous n'en faisions pas assez au plan des pauvretés et que l'esprit de clocher dominait ; j'ai baissé les bras...".
C'est le temps de l'épreuve : de retour à Douai, Christian traverse deux années de chômage - "en passant par cette case, j'ai mieux compris ceux qui le vivaient" - tout en étant bénévole à la Croix rouge française (CRF).
Sous contrat aidé, il devient éducateur au collège A. Streinger, en charge de la vie scolaire et référent avec les professionnels extérieurs au monde de l’éducation. Il sera fait chevalier des Palmes académiques en juin 2005, l'ensemble de la communauté - profs, élèves et parents - lui témoignant sa gratitude : " De très beaux moments partagés, cela m'a fait chaud au cœur !".
Membre de l'association des locataires de sa résidence, il créée une commission Logement social - il est aidé par le père André Merville, doyen -pour un état des lieux entre propriétaires privés, bailleurs sociaux ... De là va naître, le centre d'étude et d'action sociales (CEAS) du Grand Douaisis dont il partage les rencontres.
La retraite venue (2011), les soucis de santé arrivent - diabète, coxarthrose (déambulateur) - mais, grâce à André Visticot, prêtre visiteur à la maison d'arrêt de Douai, Christian retrouve l'aumônerie catholique : Jean Marie, prêtre ; Henri et Danièle, laïcs. Il s'y rend chaque semaine. Ne le répétez pas mais la direction accepte qu'il emprunte l … monte-charge de la cantine pour faciliter son déplacement !
"La messe ou un partage d'Evangile permet une discussion orientée vers les détenus eux-mêmes, le message proposé étant que la justice des hommes n'est pas celle de Dieu et que l'on peut se relever, si on en est d'accord, tout en assumant ses actes. Ces personnes doivent être reconnues comme être humain et aussi enfant de Dieu. Je tiens très fort à cet engagement".
De retour en terre d'Auby
Deux ans ont passé et l'abbé Christian Wattiaux reprend le ministère comme prêtre associé en terre d'Auby et environs.
Comment aura t-il vécu cette longue parenthèse ? Il s'en exprime : "Ma foi est toujours restée chevillée au corps et s’est même approfondie. Le Christ m’accompagnait toujours… même si, parfois, je Le trouvais terriblement absent. Aujourd’hui, je Le retrouve plus profondément à travers l’eucharistie, le bréviaire et les chrétiens engagés de la paroisse, les prêtres et les deux diacres permanents. Je bénéficie aussi d'un accompagnement spirituel d’une sœur du Cénacle, à la maison du diocèse. J'ai eu la chance de traverser des situations très variées, avec des gens très divers, connaissant accueil et rejet, chômage et maladie. Je ne garde que le positif de cette belle histoire, de ce long temps vécu en extérieur de l'Eglise !".
Curé de la paroisse saint Jean XXIII en Douaisis, Jean-Marie-Telle confie : « Je suis heureux que Christian puisse reprendre le fil du clergé diocésain. C'est un chemin de conversion qui ne doit pas être simple à emprunter. Paradoxal et amusant, il a repris par le biais de l'administration pénitentiaire et de l'aumônerie de prison. Beaucoup de gens sortent par la prison, lui il y est entré ! J'apprécie beaucoup son aide et sa collaboration, sa présence, la part qu'il prend à la pastorale ordinaire et il se réjouit plus que moi de ce qui va bien. En prenant les repas ensemble deux fois par semaine, nous partageons nos préoccupations, nos projets et notre vie ».
Philippe Courcier
CROIX DU NORD n° 24500
22 décembre 2016