Tentation, Pardon, Réconciliation : un passage

Père Luc Moës, Abbaye de Maredsous, Belgique

Maison St Benoit, Douai, jeudi 7 avril 2011

Prologue


Je vous félicite d’avoir choisi de venir entendre une conférence de Carême, par curiosité, sans doute, mais avec aussi le désir intérieur de vous convertir. Qui d’entre vous, en effet, n’a ressenti, un jour ou l’autre, le désagréable sentiment que S. Luc décrit dans la troisième de ses paraboles de la miséricorde, l’enfant prodigue, quand celui-ci rentra en lui-même et gémit : « Je ne mérite plus d’être appelé ton fils ! » Qui, parmi nous, pourrait, à l’inverse, se targuer d’avoir réussi une reconnaissance entière, complète, épanouie avec son père selon la chair, avec toute autre forme de paternité aujourd’hui ? Pensons au rapport que nous entretenons avec la terre dont nous sommes redevables … Pensons au Dialogue Interreligieux où la question de la paternité apparaît fondamentale ! A combien plus forte raison avec Dieu, notre Père ? Dès lors, demandons à Dieu la grâce de pouvoir rentrer en nous-mêmes et de l’y reconnaître plus vraiment comme notre Père ! Existe-t-il plus belle réalité humaine de voir un père et son fils vivre une authentique reconnaissance mutuelle ?

Ceci dit comme exorde, comme prologue à la conférence.

Introduction


Pour la conférence proprement dite, nous avons remarqué que nous nous trouvons bien mieux dans l’Eglise dès que nous voyons surgir des initiatives qui nous engagent à tendre l’oreille du cœur à l’Esprit de Dieu. A nous tourner plus franchement vers le Christ qui nous montre « le Père des Lumières » (Jc 1, 17), « le Dieu de Gloire » (Eph. 1, 17), puisqu’ « il donne l’Esprit de Sagesse » (1Co 12, 8), « le Père de toutes les consolations » (2 Co 1, 4), puisqu’en son sein, il se trouve « beaucoup de demeures » (Jn 14, 2) pour une humanité « transfigurée » (2Co 3, 17-18).

Quoiqu’il en soit, vous venez déjà de discerner dans cette esquisse une proposition de mise en route, un chemin pour vous personnaliser toujours davantage, pour aller plus avant vers la liberté. « L’esprit de vérité vous conduira vers la vérité toute entière » (Jn 16, 13). « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (Jn 8, 32, 36). Voilà pourquoi j’ai voulu vous proposer une démarche, un passage. La vie chrétienne, on s’en souvient, aux origines, s’appelait : « la voie », ou « la suite du Christ ». Ainsi, en est-il pour vous aujourd’hui : plus vous choisissez de vous convertir, en ce temps de Carême, plus vous percevez votre conscience (2Co 1, 12) vive et souple, ardente et incomparable, rétabli et ferme votre rapport à Dieu, notre Père à tous. Je termine ainsi mon introduction. J’aborde ensuite le thème de la tentation.

Tentation


Justement, quand je vous ai d’abord énoncé la tentation, c’était sûrement pour caractériser une réalité de la vie où bien malheureusement mais incontestablement, il n’y a aucun mouvement. Et s’il s’en trouvait un, malgré tout, dans le monde des tentations, c’est bien pour nous y enferrer, nous déposséder de notre liberté. Nous revenons d’une époque où jadis l’Eglise stigmatisait avec effroi, sans laisser assez la conscience des autres assumer leurs devoirs ; elle avait l’assurance de devoir dire avant tout ce qu’elle croyait de plus grave et de mortel. Le peuple chrétien d’alors a cru entendre qu’il s’agissait presque exclusivement de la désobéissance aux normes, en général, et dans le registre de la sexualité, en particulier. Qu’on se souvienne d’un prêtre, à cette époque ? Il était souvent abordé en fonction de son célibat, plus qu’en missionnaire d’une espérance et d’une bonne nouvelle. Non ! Depuis l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, le chrétien était isolé, ébloui, épouvanté, obnubilé, fasciné, galvanisé, hypnotisé, interdit. Pas ou peu consulté, écouté, encouragé, et moins encore, invité à participer. On était en plein dans le culte de la pensée unique ! Et si on parle de culte, liturgiquement, le prêtre, à lui seul, tenait le rôle majeur et essentiel.

Les chrétiens s’estimaient paisibles et heureux quand ils se soumettaient à toutes les formes d’ascendant, intellectuel et moral qui leur était enjoint, en chaire de vérité, ou en catéchisme, à la profession de foi. Celle-ci célébrée, il suffisait d’être mouton de Panurge, rejoindre l’assemblée des fidèles. En tout état de cause, choisir la soumission, voire même en dépit de la conscience. Certes, des exceptions mémorables, même nombreuses, ont confirmé cette analyse. J’évoque celle du « Lion de Münster » August-Clemens von Galen, sous le IIIème Reich. On muselait bel et bien, voire on anesthésiait les consciences. L’Abbé Pierre, lui, quitta la vie politique pour hurler en 1954 qu’on mourait de faim et de froid à Paris, la Ville lumière. Plus récemment, le Fr. Roger, de Taizé, invitait à un pèlerinage de confiance sur la terre. Il en est mort. Le Fr. Aloys est allé ensuite en Roumanie assurer la mère de la meurtrière du pardon de tout Taizé, …

Les Etats, l’Organisation des Nations-Unies, des Papes, Jean XXIII, Paul VI, l’Eglise, se sont dès lors mis fort heureusement à prendre en compte les aspects sociaux de la Justice, du Développement, de la Paix. Il n’est jamais trop tard !

Alors que nous fêterons en 2012, le cinquantenaire de Vatican II, depuis le Concile, mai 68, etc …, les modes de pensée ont notablement évolué ; non seulement on établit des plans mais on tire aussi des perspectives. Que l’on pense à des Teilhard de Chardin et sa Noosphère. Les sciences se sont raffinées de manière subtile. Avec l’électronique, la terre est un village. Les sciences humaines révèlent à l’homme sa plus grande dignité et ses redoutables fragilités. … Comme on le dit vulgairement : « l’Eglise se décoince ! » Elle va même jusqu’à prendre l’initiative de s’adresser aux non-croyants, au Parvis de Notre-Dame.

Par honnêteté intellectuelle, il faut, après avoir dit tout cela, préciser tout de même que l’on est allé absolument trop loin. Des atteintes à la communion ecclésiale le signifient. Les Intégristes, les Traditionnalistes, Mgr. Lefebvre, … Si jadis, le fidèle de bonne volonté était finalement coincé, écrasé par le poids des interdits, de la suspicion, il avait le tournis des repères à respecter jusqu’à perdre son souffle, son âme. La vie chrétienne était devenue ennuyeuse. La Jeunesse l’a larguée. La tentation du chrétien d’aujourd’hui, en revanche, c’est d’avoir à ce point pris l’autonomie de conscience pour une bonne chose, qu’il se croit autorisé à relativiser, accommoder tout ce qui lui semble normatif, exigeant. A voir !

La tentation tenait donc jadis à enfreindre une loi, sans compter les pièges et les gendarmes voleurs qui ponctuaient le parcours. C’était un manquement à un ordre supérieur arbitraire. Dura lex sed lex ! Aujourd’hui, la tentation se profile autrement. Elle tient à refuser, quand bien même serait-ce pour son bien, sa foi, sa communion universelle ce qui les lui garantirait. Il n’est plus coincé. D’accord ! Mais il est diabétique 2. Il se sucre !

Le pardon


Inutile de vous dire qu’il ne faut pas en rester là. Quelle que soit la concupiscence ! Je vous ai parlé d’un passage. Eh bien ! Il faut donc quitter cet univers de l’envie, ces manières aveugles de soumission en dépit de l’honneur de la conscience.

La « suite du Christ », la « voie », en l’occurrence, suppose qu’en cas de tentation, on opte avant tout pour l’initiative du pardon. Au lieu de rester captivé, fasciné par l’univers de la tentation sous le mode de la soumission ou celui de la résistance, il y a lieu, me semble-t-il, de passer à un engagement combien plus en prise avec la dynamique de la vie : le pardon ! Et faut-il le dire : le pardon à soi-même. Nous ne sommes pas responsables de tous les phantasmes qui peuvent nous affrioler, nous allécher. La conscience a le droit imprescriptible au champ et à la liberté de penser, de juger, de choisir pour se personnaliser.

En effet, le Christ est venu enseigner une loi nouvelle. Il a repris les Psaumes, comme il nous incite à le faire, à notre tour, plus fréquemment que nous imaginerions : « Tu n’as pas voulu, tu n’as pas agréé les sacrifices, ni les offrandes, ni les holocaustes, ni les victimes pour les péchés (ce sont là les immolations légales) ; puis il ajoute : Me voici ! Je viens faire ta volonté ! » (Ps. 39) C’est dire comment passer de l’économie du dû, de la tentation, de la transgression, du rachat à l’économie du pardon, de la générosité, de la liberté. Fuir le mercantilisme spirituel !

Ce n’est pas sans raison que le mot générosité vient du latin « genus, -eris », le genre en français. Autrement dit, la vertu par excellence qui caractérise le genre humain, c’est la générosité. Une société sans plus d’enfants meurt ! Pense-t-on assez à la crise de la générosité : manque de vocations sacerdotales, religieuses, enseignantes, médicales ? L’altruisme fout le camp ! Pense-t-on assez à la générosité dans la crise des couples ? Pensez à part vous à cette réflexion et vous jugerez du passage qu’il vous faudra accomplir pour entrer dans la dynamique pascale. « Soyez fils du Très-Haut qui est bon pour les ingrats » (Lc 6, 32-35) – « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! » (Mt 10, 8) Car l’amour ne tient pas d’un mercantilisme ou de quelque rétribution pour service rendu mais d’un choix éclairé de vivre de générosité.

Comme énoncé, on peut donc évoquer le pardon, en commençant par suggérer à chacun de le vivre à l’égard de soi-même ! Que de psychothérapeutes seraient ravis ! Souvenons-nous du témoignage de Zachée. De percepteur véreux, il est devenu magnanime (Lc 19) ! Par contre, que de fois l’Eglise et ses pasteurs ont indûment usé du sentiment de culpabilité pour infléchir et figer les consciences. Tout au contraire, par une vision positive du don et du pardon à soi-même, le chrétien évangélise, à la suite du Christ, qui annonçait une espérance, sans garder quelque réminiscence, si minime soit-elle ! « Va et ne pèche plus ! » (Jn 8, 11)

Qu’on pense, dans le régime civil, à ce que serait devenu l’Europe sans le pardon mutuel de l’Allemagne et la France ! Comment le Général de Gaulle pouvait-il asseoir la Vème République sans tourner une liasse de pages écrites à Vichy ? Pourquoi les Etats-Unis d’Amérique ont-ils envisagé le Plan Marshall ? Comment le Japon si éprouvé s’est-il entendu avec l’Occident ?

N’oublions pas les Douaisiens ! Ont-ils pardonné aux Comtes de Flandres ? A Louis XIV, aux Protestants, aux Lillois, aux bombardiers américains plutôt qu’anglais ? Des régions entières, en Europe, sont devenues prospères pour avoir choisi la dynamique de la générosité plutôt que la logique du ressentiment et de la revanche.

La réconciliation


Avez-vous compris comment l’étau de la tentation se dessert quand on aborde la vie avec générosité ? Il s’en suit une incomparable fécondité ! Le pardon dégage les potentialités. On passe du monde mesquin au monde grand et noble. Il y a un foisonnement de corrélations, des connexions inespérées s’établissent. Davantage encore qu’un simple rétablissement physique des correspondances et des rapports, la réconciliation convainc les promoteurs en présence de vocations nouvelles respectives. On en devient davantage soi-même et plus ouvert à l’autre.

Qu’on se souvienne des premiers temps de l’Eglise, celle des Apôtres, avant celle des Episcopes, des Soixante-douze disciples ! Qu’on se souvienne de l’Epître aux Galates, au chapitre 2 ! Jacques, Céphas et Jean que l’on considérait comme des colonnes donnèrent la main à Paul et Barnabé, en signe de communion : ceux-ci iraient aux Païens et ceux-là aux circoncis. Tous néanmoins indistinctement dévoués aux pauvres ! Ce qui n’a pas empêché Paul de tenir ouvertement tête à Céphas, à Antioche, parce qu’il était dans son tort ! (Gal 2, 9-11)

Pensons à l’accueil que nous nous devons d’offrir aux témoins des autres traditions religieuses dans le monde ! Ne sommes-nous pas à une époque charnière comme à celle de S. Thomas d’Aquin qui, reprenant la philosophie d’Aristote a osé dire de Dieu qu’il était relation en sa Trinité alors que la relation pour Aristote n’était qu’un accident de l’Etre. Qui vous dit que nous n’allons pas vers une refonte fondamentale de l’énoncé théologique universel qui réconcilie les pensées au lieu de les opposer !

D’ailleurs, les analogies abondent dans tant de domaines. Que l’on pense à la beauté classique des cathédrales gothiques, des primaires ou flamboyantes à la beauté inattendue des tours de Chartres. A la croix, sans plus l’être, de celle de Bourges. Que dire de la pyramide de Pei au centre de la cour du Louvre ? De l’insertion du Beaubourg dans le Quartier des Halles à Paris ? Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp par Le Corbusier ?

Dès notre baptême, voyez-vous, « Dieu nous a confié ce ministère de la réconciliation » - « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5) non pas pour nous mettre sous l’esclavage de la Loi, sujets de la Loi (Gal 4, 4) mais pour devenir des témoins de l’Esprit (Ac 5, 32) car le Christ Jésus est venu « détruire la barrière qui séparait » (Eph 2, 14) juifs et gentils. « Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix ... » (cf. Eph 2, 14-17), comme nous dit saint Paul.

En refusant de se laisser enserrer dans l’étau des tentations de tous ordres, en passant à une économie de la générosité et du pardon, nous nous plaçons délibérément du côté de Dieu pour en être les fils bien-aimés. Le Désert fut justement le lieu de la tentation d’entre toutes : « Si tu es le fils de Dieu, … » (Mt 4, 1-11). Il est le lieu de notre combat de notre tentation majeure : acceptons-nous, somme-nous fiers et d’avis de considérer que de toute notre vie Dieu est la clé, la référence, le point de convergence, l’espérance qui ne déçoit pas (Rm 8, 38) ? D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’à la Transfiguration (Mt 17, 1-8), Jésus se l’entendait dire absolument.

Epilogue


En commençant cette conférence, j’attirais votre attention sur votre relation à votre père, à toutes les figures de paternité qui nous guident en cette vie, et finalement à votre et notre Père des Cieux. Je vous disais donc mon souhait de vous voir transfigurer votre relation au Père. J’espère vous avoir permis de comprendre combien une vie spirituelle fondée sur l’effroi de la tentation ne mène qu’à l’esprit de crainte. Or, nous avons reçu un esprit d’adoption (Rm 8, 15) qui, comme le dit si bien le mot, suppose la compassion, le pardon, et même, la générosité. Un esprit selon lequel Dieu veut et a tout lieu de se réconcilier le monde (Col 1, 20).

Or, quand nous célébrerons les Jours-Saints, nous aurons l’occasion de nous souvenir des trois repères. Jésus dans sa passion a particulièrement exprimé sa relation à son Père, dans le récit des tentations (Mt 26, 36-46), pour la tentation, dans son grand cri pour que le Père leur pardonne (Mt 27, 35) pour le pardon. Et enfin, pour la réconciliation, l’ange disait aux femmes : « Hâtez-vous d’aller dire aux disciples, comme si c’était finalement la seule chose essentielle qu’il faille retenir pour les réconcilier avec eux-mêmes, qu’il est ressuscité. Il vous précède en Galilée » (Mt 28, 7).

Qu’on pense encore à l’exemple de Thomas avec ses préventions, ses raideurs, ses rigueurs. Il était le patron des coincés. Le voici soudain décrispé, adouci dans un aveu, une reconnaissance de personne à personne, oserait-on dire, envers la Trinité, avant même que la formulation dogmatique n’ait été formulée ?

Ce n’est pas tout. Ce passage de la condamnation à la confirmation, nous le retrouvons dans le mouvement de la Pentecôte, l’accession à l’universel. « A ce bruit, ils accoururent en foule, tout interdits de ce que chacun entendait parler dans sa propre langue. Hors d’eux-mêmes, ils manifestaient leur stupéfaction : ‘Hé quoi ! Tous ces gens qui parlent, ne sont-ils pas Galiléens ? Comment se fait-il que nous les entendions chacun parler notre langue maternelle ?’ » (Ac 2, 6-7) Quelle réconciliation !

Péroraison


Il est temps de conclure : La parabole de l’enfant prodigue m’avait permis de camper mon sujet. Je reste toujours d’avis de vous encourager « à vous laisser réconcilier avec Dieu » (2Co 5, 20) en franchissant le passage de la tentation au pardon, à la réconciliation. Le fils prodigue (Lc 15, 11-32) l’a parcouru. Le fils aîné l’a manqué.

Ayant vécu près de trente années au Rwanda, j’ai connu des rapports interpersonnels différents de ceux d’Europe. Une reconnaissance affective, voire émotive se vit avec tout le corps. Quand deux corps s’étreignent de tendresse, il n’y a rien qui s’interpose encore qui fasse question entre les sujets. Ils ne font plus qu’un. Tels le Père et le Fils prodigue.

Or, le fils aîné commence par revenir des champs, il approche de la maison, il entend la musique et les danses. Il appela un domestique et lui demanda ce qui se passait. (Lc 15, 25-26) Voyez-vous comme l’approche est toute différente, comme elle nécessite un intermédiaire. Une médiation qui n’a rien de comparable avec les médiations de la grâce. Le fils prodigue est retourné droit au Père. « Qui m’a vu, a vu le Père », disait Jésus (Jn 14, 9).

Je vous souhaite, frères et sœurs dans le Christ, de retrouver le contact « im-médiat » avec le Père des Lumières (Jc 1, 17) dans une tendresse à ce point généreuse et réconciliée qu’il n’y ait pas un fétu de questionnement entre vous et Dieu de qui vous voulez faire la volonté pour le salut de la multitude.

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Jeudi 21 avril 2011 - 17h00 • 1357 visites

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