Une Prière pour Nacha

Frédéric BRUN, Une prière pour Nacha, éd. Stock, février 2010. Prix du livre 2010 des écrivains croyants

Ces lignes sont comme un cadeau, une prière. Une prière pour Nacha. Mais surtout pour l'auteur une quête de racines.« Que reste-t-il d'un être sans mémoire ? »

A l'heure où sa tante Nacha sombre dans la maladie d'Alzheimer et « ne connaît plus elle-même sa propre histoire » le narrateur enquête sur ses origines, tentant de reconstituer la vie de cette femme dont il ne connaît que quelques bribes. « Pourquoi après la disparition des siens, surgit soudain la nécessité de colmater les brèches, remonter le temps, combler les vides de la mémoire ? »

 

Au fil des visites dans les mairies, musées, bibliothèques, archives, cimetières, Frédéric Brun récolte des indices, des coïncidences de dates mais aucune certitude absolue pouvant renouer le fil dans un arbre généalogique très ramifié. « Je compulse des dossiers, des livrets de famille, des documents administratifs pour tenter de reconstituer l'histoire de ma tante et de ses ancêtres comme un puzzle auquel il manquer de nombreuses pièces.»  Il s'interroge sur le sens de cette recherche de ses racines juives - lui qui a été «élevé sans aucune référence à la culture juive de l'Europe centrale»- et sur le sens de l'histoire qui le dépasse. En regardant les photos  familiales, «resurgit son appartenance à une communauté perdue de vue... ni cachée, ni affichée...mais jamais montrée.» Sa quête le mènera jusqu'en Pologne où à peine arrivé, il se sent à la fois «satisfait et inquiet de poser le pied sur cette terre.»

 

Son récit brosse en filigrane un portrait de Nacha, «femme bien, discrète et aimante qui est devenue héroïne de roman sans l'avoir jamais su» et qui «malgré les épreuves  et les années noires a su traverser dignement les décennies avec son sourire et son optimisme.»

 

Un jour, l'auteur décide d'arrêter cette quête sans fin. «J'ai le sentiment  d'être parvenu au bout de mon chemin de mémoire» car «il faut savoir naviguer entre la mémoire et l'oubli, trouver l'équilibre. Je ne veux plus rien savoir, je veux m'arrêter là. Il ne faut pas trop plonger dans la mémoire des disparus.» Il faut savoir tourner la page  pour vivre dans le présent, «se souvenir d'où l'on vient pour continuer le chemin.»

 

Avec pudeur et justesse, ces lignes disent la nécessité d'«écrire pour partager et s'effacer en même temps ... et devenir un écrivain qui reste à sa place dans une longue histoire  dont il n'est lui-même que l'un des personnages.»

 

 

Anne Henning, 27 juin 2010

Article publié par Michel Borelle • Publié le Mercredi 30 juin 2010 - 00h17 • 2197 visites

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