Homélie du père Bernard Descarpentries

Messe à la mémoire des victimes de toutes les guerres - 11 novembre 2015

 

Lorsque nous venons à la messe
c’est toujours pour célébrer la vie et pas la mort.

 

En ce jour nous sommes unis à la mémoire des combattants et victimes de la “grande guerre” et de tous les conflits. La mémoire que nous célébrons, n’est pas à confondre avec un souvenir et encore moins avec une opinion partisane. Si nous sommes vêtus de couleur différentes c'est parce qu'il ne s'agit pas d'une fête ordinaire et que, certes avec un peu de facétie mais pas d'ironie ou de nationalisme exacerbé, nous avons souhaité souligner que dans la liturgie les temps sont marqués “colorés” pour donner le sens de ce que nous célébrons.

 

Le blanc dit la gloire de la résurrection et la puissance du CHRIST qui dépasse toute limite et tout enfermement y compris la mort. Il est offert à tous les hommes. Le rouge dit le feu de l'Esprit qui dans le témoignage des témoins (martyrs en grec) se communique et partage dans l'offrande d'amour. Le Bleu nous plonge avec la vierge Marie dans la paix du cœur maternel qui sait rendre espoir au delà de tout espérance, et accueille chacun comme un don de Dieu à découvrir, à déployer.

 

Célébrer cette messe qui commémore le jour de l’armistice de la Première guerre mondiale, nous provoque à sortir de ce qui pourrait être une amnésie collective avec le risque de revenir à la violence. Nous faisons mémoire de tous ceux qui souffrent des conflits, pour faire notre leur expèrience, et nous comporter en semeur de vie.

 

L’armistice signé le 11 novembre 1918, beaucoup l’avaient déjà dans leur cœur, lorsqu’ils étaient à attendre un assaut pendant des jours et des nuits entières. La paix n’est pas une loi, un décret qui irait de soi. C'est un choix en nous pour vivre entre nous. La paix n’est pas un mot, c’est un comportement qui étend notre témoignage d''amitié, entre les hommes, les peuples. En cela nous devons constater que la guerre des retranchements n’est jamais finie. C’est la façon de construire les tranchées et la manière d”y faire tomber, qui a changé. Aujourd'hui il existe des tranchées qui comme les frontières à l'intérieur de l'Europe ne sont plus toujours existantes qui ne sont pas visibles. Est-ce pour cela que d'aucuns les rétablissent ? Bien plus qu'un mur d'isolement, la frontière est d'abord un lieu d'échange et de régulation. Nous restons devant l'obligation du choix de considérer celui qui vient à nous, comme étant irréversiblement étranger, ou comme une chance de grandir dans le partage de la diversité. Aujourd'hui encore, il nous faut sortir de nos tranchées, faire que nos décisions intérieures de paix soient de plus en plus visibles. En cela l’Évangile ne cesse de nous appeler à emprunter le chemin exigeant qui mène à la vie, qui ouvre, sauve et guérit.

 

L’Évangile invite à percevoir la paix, comme issue, par une disponibilité intérieure qui appelle à la liberté véritable et responsable. C’est donc à un vrai travail des intelligences et des volontés qu’il faut nous atteler. Car la racine de la guerre est toujours la peur de l’autre, la peur du voisin, la peur de manquer, la peur de la différence, la peur de l’inconnu,la jalousie. La guerre, toute forme de guerre, constitue le malheur le plus grave qui soit pour les hommes parce que ce sont des hommes qui l’infligent à d’autres et parce qu’elle laisse des traces dans les cœurs et les mémoires pendant des générations, qu’elle détruit les routes, les villes, les cœurs, les corps et sème dans les cœurs le désir de vengeance, la rancœur, la haine. Il nous faut lutter pour la paix, par toutes nos énergies d'intelligences et de volonté, tant nous sommes paralysés par nos contradictions Pendant cette messe, nous prierons pour la conversion de nos cœurs et de nos esprits, à Dieu qui se rend présent, quand deux hommes se donnent la paix, et ouvre un vrai dialogue avec autrui, quand le regard ne dévisage pas l’étranger y cherchant l'ennemi.

 

Nous fêtons aujourd’hui saint Martin. dont tout le monde se souvient de la légende du manteau partagé avec un pauvre. Soldat, Martin se préparait au baptême, mais il avait déjà retenu l’essentiel du message de Jésus : Aimer. « L’Amour désarmé est la force la plus puissante du monde ». C'est un art de se gouverner pour vivre et de se comporter socialement. Cela ne s’apprend pas de façon livresque ou statistique, mais avec l’expérience qui rend sage.

 

Sagesse qui a soin de ne pas se confondre avec désir et puissance. Sagesse qui est indissociable de la droiture et de l'équilibre. Sagesse qui offre pour norme ce qui est le vrai bien de tous et de chacun, et se tient à distance de l’intérêt égoïste d’une personne, ou des groupes de pression Les relations humaines sont faites de réconciliations, où l'un demande un avenir par le don qu'un autre consent. S'il y a renoncement considérons qu'il ne s'agit pas d'une perte, mais d'une multiplication des potentialités. Jésus, par sa propre vie et par sa mort sur la croix, a terrassé à la racine, l’origine de la violence. Il nous donne les énergies voulues pour ne pas laisser triompher cette violence. Il répond à la violence absolue, en s'offrant pour nous et entre nous comme puissance du pardon.

 

Après l'horrible année 1915, qui avec l'offensive des Dardanelles, celles d'Artois ou de Champagne fut une des années les plus meurtrières et sans réussites de part et d'autres, plutôt que de rappeler l’ypérite j'aimerais conclure en évoquant une note positive. 1915 fut l'année de la première communication radio intercontinentale entre Niewport et la tour Eiffel. A l'heure de notre village planétaire où tout est mis sur le net, il serait dommage de rester dans des retranchements qui communiquent sans dialoguer, offrons des chemins de Paix !

 

11 novembre 2015

Père Bernard Descarpentries

 

 

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Vendredi 13 novembre 2015 • 1040 visites

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