La fête du St-Sacrement

Conférence du Père Lucien Dabira - 21 juin 2014

 

Introduction

 

Nous sommes dans notre tridium préparatoire à la solennité du Saint Sacrement et à la célébration du 760ème anniversaire de l'hostie du miracle de Douai. Après la brillante conférence du Père Bernard sur l'hostie du miracle et celle du Père André sur l'adoration, il me revient en ce matin de faire un « petit balbutiement » sur «  La Fête-Dieu, appelée aussi Fête du Saint-Sacrement, Corpus Domini, Corpus Christi,. Solennité du corps et du sang du Christ » ». Pour mon entretien, je vous propose trois points dont l'essentiel a été tiré d'un article sur internet: « la fête Dieu ». Ceux qui utilisent ce puissant moyen peuvent aller consulter l'article.

  • Les origines de la fête
  • L'instauration et développement de la fête
  • L'aujourd'hui de la fête du Saint Sacrement

Vu les contraintes de temps auxquelles nous sommes confrontés, je vous entretiendrai pendant 30 mn et je vous laisserai 15 mn pour des questions ou des apports.

 

1 – Les origines de la fête dans l'Église

 

De prime abord, je voudrais que nous évitions de confondre totalement la dévotion eucharistique et cette fête du Saint Sacrement dont nous voulons parler ce matin même si à proprement parler on ne peut pas les distinguer.

Cette fête qui commémore la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l'Eucharistie, c'est-à-dire sous les espèces (apparences sensibles) du pain et du vin consacrés au cours du sacrifice eucharistique (Messe) tire son origine, bien sûr, de l'institution de l'eucharistie le Jeudi Saint par le Christ lui-même.

Cependant c'est en grande partie à Julienne de Cornillon que l'on doit la Fête-Dieu : à partir de 1209, elle eut de fréquentes visions mystiques. Une vision revint à plusieurs reprises, dans laquelle elle vit une lune échancrée, c'est-à-dire rayonnante de lumière, mais incomplète, une bande noire la divisant en deux parties égales. Elle y vit la révélation qu'il manquait une fête dans l'Église. La fête du Saint-Sacrement devait être instituée pour ranimer la foi des fidèles et expier les fautes commises contre ce Sacrement. À partir de cette période, elle œuvra pour l'établissement d'une fête solennelle en l'honneur du Très Saint Sacrement. Elle fut aidée pour cela par la Bienheureuse Ève de Liège, recluse.

En 1222, Julienne fut élue prieure du Mont-Cornillon et continua les démarches pour l'instauration de la Fête-Dieu, demandant conseil à d'éminentes personnalités de l'époque, tels que Jean de Lausanne, chanoine de Saint Martin, Jacques Pantaléon, archidiacre de Liège et futur Pape Urbain IV, Guy, évêque de Cambrai, et aussi des théologiens dominicains, dont Hugues de Saint Cher.

La fête fut célébrée pour la première fois par le prince-évêque Robert de Thourotte. Tombé malade à Fosses, craignant de n'avoir pas le temps de confirmer la fête à sa principauté, il recommanda l'institution de la fête au clergé qui l'entourait et en fit célébrer l'office en sa présence, à Fosses même. Il y mourut, le 16 octobre 1246, sans avoir pu tenir un synode général et y publier son mandement. Cependant, à partir de 1246, la Fête-Dieu fut introduite d'abord dans le diocèse de Liège à la Basilique Saint-Martin de Liège.

Les bourgeois de Liège s'opposaient à la fête car cela signifiait un jour de jeûne en plus pour la population et certains religieux considéraient que telle fête ne méritait pas pareil budget. L'opposition à la fête devenant plus forte après 1246, Julienne dut quitter son couvent et passa de monastère en monastère. Elle trouva refuge en plusieurs abbayes cisterciennes.

Elle mourut le 5 avril 1258 à Fosses-la-Ville, entre Sambre et Meuse, et fut inhumée dans l'abbaye cistercienne de Villers-La-Ville.

 

2 – L'instauration et développement de la fête dans l'Église

Nous disons souvent que « quand Dieu a un plan, il sait toujours comment le réaliser ». C'est ce qui arriva pour l'instauration de cette fête dans toute l'Église. Après la mort de Julienne, Jacques Pantaléon, archidiacre de Liège qui était son conseiller, est élu pape le 29 août 1261 sous le nom de pape Urbain IV. Je vous fais grâce de sa biographie. C'est ce pape Urbain IV qui a institué officiellement cette fête le 8 septembre 1264. Il est intéressant de signaler que dans ce siècle, il y a eu des grandes figures théologiques en lien avec l'Eucharistie. Disons un mot sur certains d'entre eux avant de continuer notre propos.

 

Grandes figures du xiiie siècle en lien avec l'Eucharistie.

 

Le XIIIe siècle est une période féconde pour l'Église avec les grandes figures de Julienne du Mont-Cornillon, de saint François et sainte Claire et de saint Thomas d'Aquin.

 

  • Saint François d'Assise

 

La foi de saint François d'Assise dans le Corps et le Sang du Seigneur apparaît dans sa Lettre aux fidèles. François rappelle, en une sorte de credo, l’essentiel du mystère de Jésus : la place centrale et récapitulative de l’Eucharistie : « Cette Parole du Père, si digne, si sainte et si glorieuse, le Père très haut l’envoya du ciel […] Lui qui fut riche par-dessus tout, il voulut lui-même dans le monde, avec la très bienheureuse Vierge, sa mère, choisir la pauvreté. Et près de la passion, il célébra la Pâque avec ses disciples et, prenant le pain, il rendit grâces et le bénit et le rompit en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps (Math. 26, 6) »[réf. nécessaire]. Ici, l’Eucharistie apparaît située à la charnière entre les deux temps forts du mystère du Christ : sa venue à nous dans le dépouillement de l’incarnation et son chemin pascal de remise totale entre les mains du Père. Pour François, incarnation rédemptrice, conversion de vie et réception de l’Eucharistie sont trois réalités profondément imbriquées.

 

  • Sainte Claire

 

Sainte Claire († 1253), également en raison d'un genre d'iconographie qui a eu un vaste succès à partir du xviie siècle, est souvent représentée l'ostensoir à la main, par allusion au fait que, déjà très malade, elle se prosternait, soutenue par deux sœurs, devant le ciboire d'argent contenant l'hostie, placé devant la porte du réfectoire, où devait s'abattre la furie des troupes de l'Empereur.

 

 

  • Saint Thomas d'Aquin

 

Saint Thomas d'Aquin († 1274) a marqué la pensée catholique par son art de la synthèse, la profondeur de sa réflexion et sa capacité d'exposition pédagogique de la foi. Il se distingua par sa dévotion et son amour de l’Eucharistie qu'il célébrait chaque jour après avoir servi la messe d'un de ses confrères. Quand il célébrait l’Eucharistie, des larmes coulaient sur ses joues. Le Christ lui apparaissait pour lui dire qu'il avait bien parlé de lui au sujet de l'Eucharistie.

Il fut chargé par le pape Urbain IV de rédiger le texte de l'office et de la messe de la nouvelle solennité promulguée en 1264 par la bulle Transiturus. On lui attribue donc la rédaction du Pange lingua avec le Tantum ergo (adaptée d'hymnes liturgiques catholiques déjà existantes), le Lauda Sion et tout le reste des pièces liturgiques latines prescrites par la liturgie de la fête.

Dans mes recherches, j'ai tenu à voir le texte de cette liturgie composé par Saint Thomas d'Aquin.

 

Après ce petit excursus, revenons au développement de cette fête dans l'Église.

 

Le pape Urbain IV rend obligatoire cette fête pour l’Église entière en 1264 et la place au Jeudi après le Dimanche de la Sainte Trinité soit soixante jours après Pâques, en souvenir évidemment du Jeudi Saint et de l’institution du sacrement de l’Eucharistie. Après la mort du pape Urbain IV, c'est le pape Jean XXII, en 1318, qui ordonna de porter l’Eucharistie en procession dans les rues et sur les chemins lors de la fête du Saint Sacrement aux chants d’hymnes et de cantiques, qui a valu à la fête son nom populaire de Fête Dieu, car on y adore le pain eucharistique sous l’apparence duquel Dieu se rend actuellement visible à nos yeux.

Mais en France depuis le concordat de 1801 ce jeudi n’est plus jour férié ni fête d’obligation, et la solennité de la fête a été reportée au dimanche suivant, supplantant ainsi le deuxième dimanche après la Pentecôte.

On fait une procession solennelle le jour de la Fête-Dieu pour sanctifier et bénir, par la présence de Jésus-Christ, les rues et les maisons de nos villes et de nos villages.

Les processions du saint Sacrement exposé dans l’ostensoir n’ont pas commencé avant l’institution de la Fête-Dieu. Cependant, avant cette époque, il existait des processions dans lesquelles on transportait le saint Sacrement enfermé dans un tabernacle. Ce n’était pas le saint Sacrement que l’on voulait spécialement honorer, mais Notre-Seigneur considéré dans quelqu’une des circonstances de sa vie terrestre. (Vous comprenez pourquoi dans les miracles eucharistiques, Jésus apparaît sous différentes formes).

C’est ainsi que, dès le VIIe siècle, dans quelques églises, on portait le saint Sacrement à la procession destinée à honorer l’entrée triomphale de Notre-Seigneur à Jérusalem, le jour des Rameaux.

La bulle du Pape Jean XXII, ordonnant « de porter l’Eucharistie en procession clans les rues et les places publiques », fut publiée en 1318 ; mais elle ne faisait sans doute que confirmer une coutume probablement aussi ancienne que la Fête-Dieu (1264).

Aussitôt que ces processions furent instituées, la piété des fidèles s’efforça de leur donner tout l’éclat possible. C’est au milieu des rues et des places richement pavoisées de draperies et de guirlandes, que s’avançait le saint Sacrement abrité sous un dais pour en souligner davantage la présence. Il était précédé d’une longue file d’enfants vêtus de blanc, qui balançaient des encensoirs ou jetaient des fleurs, pendant que la foule chantait les bienfaits de l’Eucharistie. Beaucoup d'entre vous, ici présents, avez vécu ces beaux temps.

Malheureusement, aujourd’hui, dans beaucoup de villes, sous prétexte de respecter la liberté de conscience et de ne pas entraver la circulation, Jésus-Hostie ne peut sortir des églises que difficilement.

 

3 – L'aujourd'hui de la fête du Saint Sacrement

Dans le programme, il est écrit: « conférence du Père Lucien DABIRA sur les textes de la messe du Saint Sacrement ». Je ne commenterai pas les textes mais je voudrais tout simplement nous inviter, comme les deux autres conférenciers, à mettre l'eucharistie au cœur de notre vie chrétienne.

Cela me fait toujours penser à cette prière après communion: « Accorde-nous, Seigneur notre Dieu, de trouver dans cette communion notre force et notre joie; afin que nous puissions devenir ce que nous avons reçu: le corps du Christ ».

L'eucharistie est pour nous le sacrement du salut. Ce que déclare le Christ quand il dit « Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement... Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi je demeure en lui... » Je voudrais expliciter ces paroles du Christ. En effet, le terme utilisé par saint Jean pour « chair » est « sarx », qui correspond à l’hébreu « basar » : ce terme sémitique ne signifie pas tant la chair au sens matériel, comme nous l’entendons, mais l’humanité, la personne. Dans le langage de la Bible, l’expression « chair et sang » désigne la personne humaine dans sa réalité historique, l’homme total dans sa manifestation concrète. Par conséquent, l’expression « manger la chair » ne fait pas référence à l’anthropophagie, à une forme de cannibalisme, mais elle indique plutôt le fait d’entrer en communion totale avec le Sauveur.

C'est la dimension: « devenir ce nous avons reçu: le corps du Christ ». Jésus veut combler notre faim de paix, de justice et d'amour. L'aujourd'hui de cette fête pour nous, accueillir Jésus VERITABLEMENT, REELLEMENT ET SUBSTANTIELLEMENT PRESENT dans l'Eucharistie., L’Hostie Sainte devient alors le Sacrement qui nourrit notre âme, le Sacrement indispensable pour nous conduire sur le chemin du Ciel ! Avant de remonter au Ciel, Jésus nous a promis de ne pas nous laisser seuls : « Et voici que Je suis avec vous, tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Matthieu 28, 20). Mais comment peut-Il rester avec nous alors qu'Il est remonté vers son Père ? La réalisation de cette promesse, c'est la Très Sainte Eucharistie, ce Trésor infiniment précieux. C'est là qu'Il reste véritablement, réellement et substantiellement présent parmi nous. La Présence Réelle de Jésus dans l'Eucharistie est une Vérité Fondamentale de la Foi catholique, que l'Eglise ne craint pas de réaffirmer au cours des siècles face aux assauts de l'Ennemi. On lui doit donc non seulement notre respect, notre culte mais aussi notre adoration. Adorer le Très Saint-Sacrement, c'est témoigner que nous reconnaissons, sous l'humble apparence du pain et du vin, le Verbe de Dieu fait Homme.

L'aujourd'hui de cette fête pour moi c'est aussi faire tellement un avec Jésus Eucharistie que nous soyons pain pour les autres à travers le don total de nous-mêmes dans le service quotidien de nos frères et sœurs.

L'aujourd'hui de cette fête est aussi de susciter une grande dévotion eucharistique que la piété populaire a toujours su cultiver au cours des siècle.

 

Conclusion

Loin de penser d'avoir été exhaustif dans ce « balbutiement » sur la fête du Très Saint Sacrement du Corps et du Sang de Jésus, j'estime tout simplement avoir essayé de présenter l'historique de cette fête pour nous aider à mieux la vivre au quotidien de notre agir chrétien. Je termine en adressant avec l'Église universelle, cette prière:

« Seigneur Jésus-Christ, dans cet admirable sacrement, tu nous as laissé le mémorial de ta passion; donne-nous de vénérer d'un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de ta rédemption ».

 

Bonne fête du Saint Sacrement à tous et à toutes. Dieu nous bénisse !

 

 

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Jeudi 26 juin 2014 • 861 visites

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