La sainteté : une vocation, un chemin, un mode de vie

Homélie du Père Michel Masclet à la messe de la Toussaint

 

La Toussaint

 

Une belle fête qui précède le jour consacré à nos défunts.

Aujourd’hui nous partageons notre joie d’être aimé de Dieu

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Demain nous prions pour nos défunts,

Pour nous ce n’est pas seulement un hommage aux disparus, comme ceux que l’on peut rendre devant un monument aux morts pour la France

Il s’agit pour nous de prier pour eux, pour tous les défunts, ceux qui sont en chemin vers le Seigneur et n’ont pas encore accepté de le suivre, de l’aimer, ceux qui doutent encore, ceux qui peinent à lever les yeux vers Lui ; prier avec eux aussi et rendre grâce avec eux pour les dons reçus et partagés…

 

Ce matin c’est jour de fête. Nous fêtons tous ceux qui nous ont précédés sur le chemin de la foi, eux qui ont aimé et suivi le Christ, servi leurs frères dans une vie d’humilité et de foi. L’Église nous en donne quelques uns comme modèle, plus récemment Louis et Zélie Martin, Élisabeth de la Trinité, sœur Térésa. Leur prière nous stimule, leur vie est un modèle, leur foi nourrit notre espérance.

Mais ils sont des foules ces témoins d’hier, la plupart méconnus sinon de leurs proches. et nous rendons grâce au Seigneur aujourd’hui de nous donner de tels témoins.

Et nous découvrons que nous-mêmes nous sommes appelés à la sainteté.

« Je voudrais être sainte » disait la petite Thérèse à Lisieux.

 

La sainteté : une vocation

Chacun de nous est appelé à devenir saint, pas parfait, mais saint. C’est d’ailleurs souvent ce que certains plus éloignés de Dieu et de l’Église reprochent aux chrétiens, ils disent, je ne vais pas à la messe parce que les chrétiens ne sont pas parfaits, je suis déçu. Ils confondent.

Les chrétiens ne sont pas des gens parfaits. Ils savent qu’ils ne le sont pas, mais ils savent surtout qu’ils sont aimés de Dieu. C’est le début de la seconde lecture de ce matin « Bien-aimés,   voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes ». Et Jésus s’adressant à ses proches ajoute : « Je vous appelle mes amis ». Cet amour de Dieu est sans condition, il ne demande aucune autre perfection que l’accueil de son amour et la volonté de le suivre mieux encore.

 

Une vocation, cela veut dire plus encore : ce qui nous rendra heureux, profondément heureux c’est d’accueillir cet amour de Dieu et de grandir en amitié, en relation avec lui.

Beaucoup de monde parle de bonheur et on veut souvent nous vendre du bonheur. Mais ce bonheur est souvent comme l’eau de la samaritaine, celui qui en boit à toujours soif. (dans l’évangile selon st Jean)

Les bonheurs dont ils parlent ne rassasient pas le cœur, ni l’âme et laissent bien souvent un manque plus grand dans le cœur et une insatisfaction profonde.

La vocation d’aimer à la suite et à la manière du Christ, car c’est cela la sainteté, rend profondément heureux parce qu’alors il ne s’agit plus de fermer le regard sur soi-même mais de se tourner vers l’autre.

 

Jean Marie Elie Setbon, un juif pratiquant du XXIème siècle, ultra-orthodoxe, converti au Christianisme.

Dans le judaïsme, je cherchais la perfection. 1 Je ne croyais pas que Dieu m’aimait tel que j’étais, je ramais, c’était par mes propres forces et mon mérite que je pouvais devenir un juste. Maintenant je suis chrétien. Même si le chrétien doit essayer de s’améliorer, il ne compte pas sur ses forces humaines. L’effort du Chrétien doit porter sur le temps qu’il consacre à Dieu car nous savons que c’est sa grâce qui nous transforme, à condition que nous le laissions agir. Le chrétien croit que Dieu travaille en lui. Son rôle, c’est de le laisser faire et de se laisser faire. Jésus l’a dit à Paul qui s’inquiétait de ses défauts : « Ma grâce te suffit, ma puissance se déploie dans la faiblesse ». Le regard miséricordieux de Dieu me grandit, me rend meilleur. J’ai fait l’expérience qu’on ne peut aimer les autres, la communauté humaine universelle que lorsqu’on est en relation d’amour avec Dieu’.

 

La sainteté : un chemin

 

C’est st Paul qui utilise le mot « saints » pour parler de ceux qui croient en Jésus et veulent devenir ses disciples, st Bernard ajoute que ce mot « saint » ne doit pas nous faire peur, puisque ce n’est pas en raison de nos mérites que nous le sommes, ni en raison des sentiments que nous éprouvons, mais saints nous le sommes parce que c’est la volonté de Dieu et son projet pour nous.

Combien de chrétiens ne supportent pas l’écart entre leur désir de perfection spirituelle et humaine et la réalité de ce qu’ils sont et vivent aujourd’hui ? St Paul lui-même disait « je fais le mal que je ne veux pas faire et je ne fais pas le bien que je voudrais faire »

Ils le vivent, comme un échec au lieu de l’entendre comme un appel.

« Tu rêves d’être arrivé », écrit st Bernard, alors que nous sommes en chemin.

La sainteté est chemin de vie, et de conversion, sur lequel nous peinons parfois à entendre l’appel du Seigneur, mais ce qui compte c’est d’avancer patiemment avec lui et de le laisser nous conduire.

 

Nous pourrions aussi regarder de près la vie de ceux que l’Eglise nous donne comme saints. Charles de Foucault, Martin de Tour, François d’Assise, St Augustin… Ils ont découvert l’amour infini du Père et l’ont accueilli totalement jusqu’à le laisser combler et conduire leur vie. Mais que de temps leur a-t-il fallu ? Que d’impasses et d’incompréhensions, que de visages sur leurs routes pour les éclairer ! Saints, oui ; parfaits, ils ne le furent pas. Mais leur capacité à accueillir l’amour de Dieu a transformé leur vie au point d’en faire des témoins et des guides pour notre foi.

 

La sainteté : un mode de vie

 

Je voudrais avec Madeleine Delbrel2 juste évoquer le chrétien comme un être insolite !

 

« Non seulement il croit en Dieu

Mais il doit l’aimer comme un fils aime un père tout aimant et tout puissant.

Non seulement dépendant de Dieu

Mais souverainement libre, par la volonté de Dieu.

Non seulement frère

Mais un frère bon, en paroles et en actes.

Non seulement donnant

Mais partageant, prêtant mais ne réclamant pas ;

Disponible à ce qu’on lui demande

Mais à plus qu’on ne lui demande.

Non seulement frère de ceux qui l’aiment

Mais de ses ennemis.

Non seulement supportant les coups

Mais ne s’éloignant pas de qui le frappe.

Non seulement ne rendant pas le mal

Mais pardonnant, oubliant.

Non seulement oubliant

Mais rendant le bien pour le mal.

Non seulement partageant ce qu’il a à lui ou en lui

Mais donnant la seule chose que Dieu lui ait donnée en propre : sa propre vie.

Non seulement il aime la vie parce que Dieu l’a faite,

Mais il est heureux de vivre une vie qui pour tous les hommes, est éternelle.

Non seulement il est heureux de vivre,

Mais il est heureux de mourir parce que mourir c’est naître à l’éternelle vie.

Non seulement il agit dans le temps

Mais il attend les fruits d’éternité dont il sème la semence dans le temps.

C’est ce qu’il appelle l’Espérance.

Non seulement il est heureux parce qu’il vit grâce à Dieu et pour Dieu

Mais parce qu’il vivra et fera vivre ses frères avec Dieu pour toujours. »

 

 

Le 1er novembre 2016
Père Michel Masclet

 

 

1 Jean Marie Elie Setbon, De la kippa à la croix, Salvator, 2013, pp 179-180.

2 Madeleine Delbrel, La joie de croire, Le seuil, Paris, 1968, pp 121-124.

Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Mercredi 02 novembre 2016 • 1118 visites

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